L'article compare les discours sur la formalisation du foncier rural au Mexique, à Madagascar et en Afrique du Sud, en combinant examen des textes officiels et observation participante des protagonistes de l'action publique. L'article souligne la pluralité des significations du concept clé de sécurité foncière (détention d'un document formel versus sentiment d'assurance), des finalités poursuivies (modernisation de l'agriculture versus renouvellement du lien État-citoyens), et discute les hypothèses causales sous-jacentes (formalisation égale sécurisation ; sécurisation égale investissement et marché foncier ; sécurisation égale paix sociale). L'article conclut sur l'importance d'une évaluation ex ante contextualisée avant d'envisager une formalisation systématique du foncier rural.
Le changement institutionnel induit par la réforme foncière malgache de 2004 - délégation de la délivrance de certificats fonciers par les Communes suite à une procédure publique contradictoire - fournit un cas d'étude propice à l'analyse des stratégies de sécurisation foncière des acteurs ruraux. Sur la base de données de première main, cette communication explore les déterminants de l'engagement dans le processus de certification par les ménages malgaches. Nos travaux conduits dans une Commune rurale des hautes terres montrent que (i) la principale motivation à la demande de certificat est la recherche d'une sécurisation, (ii) les caractéristiques de la parcelle (mode d'acquisition, valeur, type de sécurisation antérieure) influencent la décision de certifie.
Le 17 mars 2009, l'écho retentissant de la chute du gouvernement Ravalomanana fait la une des journaux et des médias audiovisuels nationaux et internationaux. L'évènement revêt un caractère particulier, car les questions foncières figurent parmi les revendications qui ont déclenché le soulèvement. Des accusations de " brader la terre des ancêtres " ont été portées contre le président Ravalomanana suite à la révélation d'un projet de cession dans des conditions obscures de plus d'un million d'hectares de terrains agricoles à une société sud-coréenne, Daewoo Logistics.Depuis le début des années 2000, plusieurs projets d'appropriation foncière dans le secteur agricole ont en effet été annoncés ou dévoilés par la presse. Les quelques informations disponibles ont laissé entendre qu'ils visaient la production de denrées alimentaires, d'agrocarburants ou de bois. Les superficies évoquées étaient comprises, par projet d'investissement, entre 1 000 et 200 000 hectares. Qu'en est-il dans les faits? Cette étude présente l'évolution des grands investissements agricoles à Madagascar de 2005 à 2010. Commandée par l'International Land Coalition (ILC), elle a été réalisée par l'Observatoire du foncier et le Cirad et entend : rappeler les processus d'implantation des projets de Daewoo et de Varun qui se sont soldé par leur abandon ; dresser un état de lieux des projets d'investissement dans le foncier, en différenciant les projets simplement annoncés des projets effectivement en cours ; cerner les objectifs des opérateurs en matière d'acquisition de terres et préciser l'état d'avancement de leur dossier de demande de terrains ; présenter le cadre légal censé réguler ces investissements ; analyser les pratiques des opérateurs pour accéder à la terre, ainsi que les modes de régulation, formels et informels, de ces investissements au niveau local et national ; relever les principales questions à traiter dans le cadre d'un futur débat sur l'accueil de ces investissements et sur les dispositifs institutionnels à renforcer afin d'améliorer la transparence de ces projets d'acquisition foncière, de clarifier les procédures à suivre pour les investisseurs et de limiter les impacts sociaux, économiques et environnementaux négatifs.
La mission d'appui socio-économique auprès du Projet dirigé par le CIRAD, dans la région Nord-Ouest de Guyane, a été centrée sur l'appui méthodologique aux travaux d'analyse approfondie des systèmes de production et d'activités menés par des stagiaires dans deux villages correspondant à des sites prioritaires d'intervention. Ils représentent deux composantes importantes de la population régionale; amérindiens et Bushi-Nenghé, réfugiés du Surinam. Cette mission a permis également: - d'apporter une contribution aux réflexions générales sur la région et le Projet; - de réaliser une première approche des problèmes et des dynamiques du foncier rural, dans le contexte particulier d'une propriété de l'Etat sur 90% des terres, mais d'une forte prédominance des occupations de fait, sans titre, par plus des 2/3 des exploitants agricoles familiaux; situation à clarifier et à régulariser pour faciliter et sécuriser les actions de développement local.
Ce texte explore les déterminants de l'engagement, ou non, des ménages agricoles dans le processus de certification issu de la réforme foncière malgache de 2005. Nos travaux, conduits dans une commune rurale des Hautes Terres, montrent (i) que la principale motivation à la demande de certificat est la recherche d'une sécurisation des droits fonciers en soi, indépendamment d'éventuelles perspectives d'investissements futurs ou de mise sur le marché de la terre, (ii) que les caractéristiques de la parcelle influent tant sur la décision de certifier que sur le choix des parcelles à certifier.
À partir d'une étude de cas approfondie à Madagascar, l'article analyse le rôle de la famille dans le fonctionnement des marchés fonciers. Il met en évidence que la vente d'une parcelle issue d'un héritage ne relève pas d'une décision individuelle. Bien que les droits d'usage soient divisés entre ménages nucléaires, la famille élargie conserve des prérogatives sur le droit de vendre. Elle établit des règles de priorité qui structurent la diffusion des offres en faveur de la famille proche puis élargie. La diffusion contrôlée de l'information sur les offres fournit des opportunités d'achat aux ménages modestes insérés dans les bons réseaux familiaux. Aussi, certaines transactions, qualifiées localement de ventes " vivantes ", facilitent le rachat ultérieur des terres cédées en assurant un droit de préemption au vendeur. Ces régulations contribuent à amortir les chocs de décapitalisation dans un contexte où dominent les ventes de détresse.
Projects to take control of vast areas of arable land in Southern countries have revived interest in public policies to improve land tenure security. Often based on principles inherited from colonial times and focusing on the issue of land titling by government departments, these policies are now unsuited to the growing social demand for improving land tenure security in Southern countries, especially in sub-Saharan Africa. Indeed, the advance of the market economy, the growth of cities, the decline of customary authorities and forms of regulation and the progressive commodification of land are all at the root of a growing need to secure land rights in writing. This need is all the greater because rural societies are faced with the land acquisition strategies pursued by major economic operators. Between the preservation of long-standing land policy instruments that have shown their limits, and the promotion of community regulations, some Southern land tenure policies are exploring the middle ground combining the recognition of social land management practices and the formalisation of land rights by the public authorities. This is the case in Madagascar, which launched a land policy reform in 2005 based on the decentralisation of land management powers.
Les projets de prise de contrôle de vastes superficies cultivables dans les pays du Sud ont ravivé l'intérêt porté aux politiques publiques de sécurisation foncière. Souvent fondées sur des principes hérités de l'époque coloniale et focalisées sur la délivrance de titres fonciers par les services de l'État, ces politiques s'avèrent aujourd'hui inadaptées face à une demande sociale croissante de sécurisation foncière dans les pays du Sud, en particulier dans les pays d'Afrique subsaharienne. En effet, la pénétration de l'économie marchande, l'extension des villes, l'affaiblissement des instances et des formes de régulation coutumière et la marchandisation progressive de la terre provoquent un besoin croissant de sécurisation des droits fonciers par l'écrit. Ce besoin de sécurisation des droits s'affirme d'autant plus que les sociétés rurales sont confrontées aux stratégies d'appropriation mises en oeuvre par de grands opérateurs économiques. Entre le maintien d'anciens instruments de politique foncière qui ont montré leurs limites et la promotion hasardeuse de régulations communautaires, certaines politiques foncières du Sud expérimentent une voie médiane combinant reconnaissance des pratiques sociales de gestion foncière et formalisation des droits par des instances publiques. C'est le cas de Madagascar, qui a lancé en 2005 une réforme de sa politique foncière basée sur la décentralisation des compétences en gestion foncière.
Cette communication rend compte des premiers développements d'un travail de thèse engagé en 2008 sur le statut foncier des espaces urbains périphériques dans deux villes d'Afrique sub-saharienne, Yaoundé (Cameroun) et Accra (Ghana). Le contexte périurbain des villes d'Afrique subsaharienne est marqué par des transformations soudaines et brutales. L'urbanisation rapide des espaces périphériques pose un certain nombre de défis pour la sécurité alimentaire et la gouvernance urbaine. L'agriculture urbaine et périurbaine, si elle a toujours existé depuis la naissance de ces villes, pose aujourd'hui question : Quelles sont les conséquences de la permanence d'une activité agricole en périphérie urbaine sur l'aménagement urbain, l'environnement, l'approvisionnement des villes et les liens sociaux. Quelles formes prend cette agriculture ? Et comment sont traités les conflits qui émergent de la concurrence pour les ressources (eau, foncier.) entre les activités agricoles et non-agricoles et entre activités agricoles ? L'importance de l'urbanisation et de ses enjeux d'une part, et l'absence d'institutions spécifiques dans la gestion des ressources en jeu d'autre part suscitent l'intérêt de la recherche. En particulier, le statut foncier, déterminant dans l'évolution des systèmes agraires, concentre et révèle la diversité des enjeux qui se portent sur ces espaces de l'entre-deux, que l'on qualifiera d'espaces intermédiaires. Plusieurs aspects des enjeux fonciers sont à relever dans les deux villes étudiées : la concurrence entre activités agricoles et non-agricoles, le phénomène d'"exode rural" qui se cristallise autour des questions ethniques, la superposition de différents types de droits (écrits, oraux.), la monétarisation de la terre et la répartition de la rente ainsi crée, et le lien entre ce foncier en "transition" et le type d'agriculture qui se développe. Il s'agit d'interroger le lien entre le statut foncier et les systèmes agricoles dans les périphéries des villes d'Afrique subsaharienne, en utilisant le concept d'espaces intermédiaires, c'est-à-dire des espaces d'entre-deux, non déterminés, sur lesquels se rencontrent des dynamiques divergentes. Dans quelle mesure l'intermédiarité influe-t-elle sur le développement agricole et encourage-t-elle l'innovation, la permanence ou la destruction des systèmes agricoles ?
Depuis plusieurs décennies, un grand nombre de pays du Sud ont suivi un processus de généralisation de politiques de formalisation des droits fonciers via l'intervention publique, fondant leur argumentaire sur des objectifs d'augmentation des investissements productifs et d'établissement de la paix sociale. Madagascar constitue un cas d'étude de l'implémentation d'une politique " soft " d'enregistrement des droits fonciers à travers la certification foncière (2005), envisagée comme une alternative aux procédures de titrage dont les limites ont été empiriquement documentées. Cette thèse s'inscrit dans une perspective d'économie institutionnelle tout en intégrant des sensibilités issues d'autres sciences sociales (socio-économie et anthropologie). Elle traite de l'influence de l'introduction de la procédure de certification sur les pratiques formelles et informelles de sécurisation des droits fonciers. Elle combine des techniques de recueil et de traitements qualitatifs et quantitatifs. Les analyses qualitative et économétrique montrent que la recherche de la sécurisation des droits fonciers est le principal déterminant du recours à la certification. En effet, ce recours est envisagé indépendamment d'éventuelles perspectives de mise sur le marché des terres dans de meilleures conditions, d'accès à un crédit formel, ou encore d'investissements productifs sur la parcelle une fois celle-ci certifiée. Les caractéristiques de la parcelle influent aussi bien sur la décision de certifier que sur le choix des parcelles à certifier au sein d'un patrimoine d'un ménage. La relative faible demande de certificat est davantage expliquée par les dispositifs locaux de sécurisation existants et par l'incomplétude du faisceau de droits des individus sur certaines parcelles, que par les coûts de la procédure de certification. La procédure de certification n'élimine pas les dispositifs locaux existants de sécurisation, très standardisés, et considérés comme légitimes. Les autorités locales (impliquées ou non dans la procédure de certification), et dans certains cas leur interprétation du nouveau cadre légal, jouent un rôle dans le maintien de ces dispositifs locaux de sécurisation après la réforme de 2005. Ces résultats invitent à discuter des orientations futures de la réforme foncière afin de poursuivre l'effort de décentralisation de la gestion foncière et le développement d'outils mieux adaptés aux besoins de sécurisation des ménages ruraux.
L'annonce de ce projet a eu un effet détonateur sur l'amplification des manifestations sociales qui ont conduit à la destitution du président Ravalomananaet au retrait de Daewoo. Il a également révélé que d'immenses superficies en partie appropriées étaient pourtant sur le point d'être cédées, malgré les nouvelles lois foncières. Initiée depuis 2005, la réforme foncière vise en effet à reconnaitre légalement les droits fonciers des petites exploitations et à décentraliser la gestion foncière. Les communes dotées aujourd'hui d'un guichet foncier peuvent ainsi délivrer des certificats fonciers de valeur juridique égale au titre mais avec des délais et des coûts bien moindres.
L'essor de l'anacarde (noix de cajou) au Burkina Faso a été fortement soutenu par l'État dans les années 1980 au sein de territoires de conservation devenus des territoires de développement. Mais la globalisation des échanges a conduit à une restructuration de la filière à partir de 1995. L'expansion des vergers est depuis lors le fait des petits producteurs. L'introduction et la diffusion des vergers s'accompagnent à l'échelle locale d'une renégociation des droits sur la terre. Lors de cette re-territorialisation, certains gagnent des droits, tandis que d'autres en perdent. Cette reconfiguration socio-spatiale guidée par les marchés internationaux pose la question des effets à long terme de ces formes de territorialisation "par le bas", qui se révèlent être inégalitaires.
En Afrique, les métropoles fleurissent sur le continent, avec leur florilège d'espérance et de défis. Le rural est en crise et les taux de croissance urbaine explosent, posant l'inévitable problème de l'alimentation des urbains. L'agriculture urbaine et périurbaine est très présente car elle répond à nombre d'enjeux des villes africaines : elle pourvoit des revenus à despopulations formées aux pratiques agricoles, notamment les migrants; elle fournit des produits alimentaires périssables adaptées aux urbains, en autre des légumes et de la viande ; et elle permet l'aménagement de zones inconstructibles ou périurbaines alors que l'intervention publique est insuffisante dans ce domaine. L'agriculture urbaine et périurbaine des villes du Sud est multifonctionnelle. Cependant elle est peu reconnue par les institutions et rarement incluse dans les plans de développement urbains, ce qui grève son avenir et sa durabilité. La particularité de cette agriculture est d'être en concurrence avec les activités urbaines pour les ressources, notamment pour le foncier. Dans deux villes, Yaoundé et Accra, l'activité agricole trouve sa place dans des espaces spécifiques, des bas-fonds, des open space, des terrains inconstructibles, des jardins et des cours, des parcelles qui attendent d'être construites, des villages périurbains menacés, etc. Elle se déploie sur des espaces intermédiaires, entre le rural et l'urbain, entre le droit coutumier et le droit légal, entre la tradition et la modernité. En fonction de l'âge, du genre et de la position dans la hiérarchie coutumière etfamiliale, les droits sont différents, que ce soit pour cultiver, pour prêter ou louer ou pour vendre, sans oublier les procédures légales qui octroient un titre foncier. Les stratégies de production dépendent grandement de l'accès au foncier et contrairement à ce qui se passe généralement en milieu rural, ce ne sont pas forcément ceux qui ont le plus de sécuritéfoncière qui sont le plus innovants.
Participatory approaches are nowadays widely used in the field of renewable resources management, but designers of such approaches are facing dilemmas, especially in highly heterogeneous social contexts. On the one hand, some of them stand accused of being naively manipulated by the most powerful local stakeholders, while on the other hand, others are accused of intervening on social systems to empower some particular stakeholders without having the legitimacy to do so. Facing such dilemmas, this dissertation examines the testing of a critical companion approach based on a conceptual framework referring, among others, to negotiation theories. This approach recognizes the necessity to take into account the local stakeholders' power games to avoid the risk of increasing initial inequities. The dissertation draws on the experimentation and reflexive analysis of two companion modelling (ComMod) processes conducted with such a critical approach in two agrarian systems in the highlands of Northern Thailand. We show that local power games express themselves in ComMod processes and that some of them might be obstacles to the emergence of an equitable concerted process. We also demonstrate that, through his methodological choices, the designer of a ComMod process is able to overcome some of these obstacles to a certain extent. Consequently, the implementation of a ComMod process is far from being a neutral exercise. It requires a continual critical reflection on the process, in particular on the designer's legitimacy in the eyes of local stakeholders. The designer should attempt to make explicit all his underlying assumptions so that local stakeholders can choose to accept or reject them.
Des facteurs variés tels que les politiques publiques en faveur du relogement des populations démunies, la promotion de la privatisation des droits fonciers agricoles, ainsi que plus généralement la croissance économique ont favorisé l'étalement urbain dans les principales villes du Maghreb dont Meknès au Maroc. Cette urbanisation s'intensifie au détriment des terres à fort potentiel agronomique malgré les lois pour la préservation des terres agricoles. À Meknès, les agriculteurs familiaux situés en périphérie urbaine ont fourni la grande majorité du foncier constructible. Cet article présente la diversité des stratégies foncières de ces agriculteurs qui témoignent de la prise en compte de la nouvelle donne foncière, ainsi que des capacités de résistance ou de négociation des acteurs. Pour une majorité des agriculteurs propriétaires de leurs parcelles, la vente des terres a permis des investissements dans différents secteurs (transport, commerce…), mais aussi dans l'agriculture, in situ ou via l'achat de terres loin de la ville. Une minorité a préféré conserver ses terres afin d'éviter la vente à des intermédiaires et s'inscrit dans une stratégie d'attente spéculative. Par contre pour les agriculteurs exploitant des terres collectives sans droit de propriété privée, les stratégies sont de défense ou de conflit, dans un contexte où leurs capacités de négociation des prix ou de refus de la cession sont quasi nulles. De façon plus générale, ces processus spéculatifs favorisent l'achat des terres de l'ensemble de la plaine par des investisseurs et des néo-agriculteurs en zone périurbaine comme en zone rurale. L'accroissement du prix de la terre fertile en zone périurbaine entraine celui du prix des terres de même qualité en zone rurale et donc fragilise l'agriculture familiale au Maroc qui n'est plus en mesure de s'opposer aux investisseurs et grands propriétaires terriens sur un marché foncier de plus en plus spéculatif.