Démographie, pauvreté et inégalités
Seconde édition révisée et enrichie ; International audience ; Après avoir été historiquement dépeuplée à l'arrivée des Européens à partir de 1492, suite aux épidémies et aux guerres, l'Amérique latine a accueilli des flux de migrations très importants au 19e siècle. Elle a ensuite connu une explosion démographique consécutive à la baisse de la mortalité à partir de 1930. La baisse de la fécondité, entamée au cours de la deuxième moitié du 20e siècle, a permis de réduire les taux d'accroissement annuels de la population à un niveau de 1,15 % (2005-2010). Il n'y a pas une, mais des transitions démographiques, qui placent les populations dans des situations très différentes, depuis des pays comme l'Argentine, Cuba et l'Uruguay, dont la croissance est faible, jusqu'à des pays comme la Bolivie (3,5 enfants par femme) ou le Guatemala (4,2 enfants par femme), encore en pleine croissance démographique. Par conséquent, le bien-être social et la pauvreté touchent ces populations de manière très différenciée. Les pays à faible croissance et faible fécondité éprouvent le vieillissement de leur population, ceux à forte croissance et à forte fécondité sont encore dans la phase de rajeunissement de la population. Le rapport de dépendance, après avoir augmenté pendant la phase de baisse de la mortalité (rajeunissement de la population), a donc diminué rapidement au cours de la phase de réduction de la fécondité (vieillissement). On parle à ce propos de " dividende démographique ", qui est une période à durée limitée pendant laquelle les populations dépendantes diminuent par rapport à celles d'âge actif. Ce rapport augmentera au contraire à partir de 2030 pendant la phase finale de vieillissement. Les transitions démographiques ont ainsi une grande importance en termes de croissance et de structure de la population. C'est un phénomène universel et inéluctable qui est lourd de conséquences économiques et sociales, même si les pays latino-américains sont marqués par une forte hétérogénéité des situations démographiques. L'Amérique latine est le continent le plus inégalitaire au monde, avec 167 millions de pauvres et 66 millions d'indigents en 2012. Cependant, les taux de pauvreté et d'indigence ont diminué depuis 2002 et s'élèvent en 2012 respectivement à 28,8 % et 11,4 %. Ces améliorations proviennent de la croissance économique soutenue pendant la période 2002-2012, uniquement interrompue en 2009, et des progrès constatés dans la répartition des richesses. La croissance de l'emploi depuis 2002, ainsi que les mesures de lutte contre la pauvreté, ont donc porté leurs fruits. Cependant la distribution du revenu reste profondément inégalitaire et la majorité de la population appartient à des " classes moyennes " qui se situent au-dessus du seuil de pauvreté , mais qui restent très fragiles, comme l'a montré la triste expérience de la crise économique des années 1980 avec l'accroissement sensible de la proportion de pauvres. C'est particulièrement vrai pour les groupes de population les plus vulnérables, notamment les indigènes et afro-descendants. Si l'on veut dresser un bilan des politiques démographiques en Amérique latine, on peut constater que la baisse de la fécondité s'est produite en un temps record et à un rythme exceptionnel. Elle a généré le " dividende démographique " qui a permis de réduire les taux de pauvreté. Les politiques sont donc un succès de ce point de vue, même si d'autres facteurs y ont également contribué. Après la conférence du Caire (1994), les politiques démographiques ont été redéfinies, plaçant le bien-être de la population, l'égalité des femmes et des hommes et les droits humains au cœur des politiques démographiques. Il faut donc espérer que l'importance des questions démographiques soit enfin pleinement comprise et que celles-ci soient intégrées au développement économique et social.