La fin du choix du Constituant dans les travaux préparatoires ? Observations sous C.C., 23 mai 2019, n° 70/2019
Dans l'arrêt commenté, la Cour constitutionnelle semble avoir initié un revirement de jurisprudence selon lequel le choix du Constituant ne peut désormais plus résider dans les seuls travaux préparatoires de révision constitutionnelle. Eu égard aux conséquences radicales qui découlent de la jurisprudence antérieure de la Cour, nous ne pouvons que saluer ce revirement potentiel. En effet, le choix du Constituant prive le justiciable d'un accès au prétoire. Lorsqu'il découle du texte-même de la Constitution, l'immunisation de la norme législative s'opère à travers une révision constitutionnelle en bonne et due forme. Tel n'est pas le cas lorsque le choix réside dans les travaux préparatoires, qui sont dépourvus de portée normative. D'un point de vue strictement juridique, une loi qui reprend le contenu des travaux préparatoires de révision est une disposition législative. Rien ne s'oppose à son contrôle puisqu'une telle norme ne reprend pas le contenu de la Constitution. Par ailleurs, la Commission de Venise est très critique à l'égard du procédé par lequel une majorité gouvernementale immunise certains compromis relevant de la « politique ordinaire » en les soustrayant au contrôle de constitutionnalité. La Commission se dit « préoccupée » par cette technique, qu'elle considère incompatible avec le système de contre-pouvoirs ainsi qu'avec le principe de séparation des pouvoirs. Dans tous les cas, le raisonnement de la Cour constitutionnelle demeure ambigu, et il apparaît bien malaisé de déterminer la portée réelle de l'arrêt. Cette ambiguïté est sans doute voulue par les juges constitutionnels, afin de se réserver une marge de manoeuvre à l'avenir. Espérons que la jurisprudence future permettra de lever ces incertitudes et confirmer le revirement que nous encourageons.