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La sainteté de Jérusalem : instrument géopolitique.
Jérusalem, ville sainte pour les trois monothéismes, à des degrés divers, est aujourd'hui revendiquée pour capitale par deux nations concurrentes, palestinienne et israélienne. Pourtant, la ville n'a pas toujours occupé une place aussi centrale, si l'on se réfère aux textes coranique et biblique. Les premiers musulmans ne souffrent pas de la voir tomber entre des mains infidèles, mais, une fois que sa possession leur est acquise, ne lui accordent que peu d'attention : c'est l'intérêt des sionistes pour Jérusalem qui devait susciter en retour celui du nationalisme palestinien. Dans le Coran, la ville ne figure pas explicitement ; dans la Bible, par ailleurs, on est surpris de découvrir que Jérusalem, la cité des Jésusites, n'est conquise que tardivement par les Israélites, et que le récit de son destin paradoxal est peut-être une pièce destinée à grandir David et sa tribu de Juda, face à son adversaire le roi Saül. Autant de ruses de l'histoire, en l'occurrence des textes religieux, plus ouverts, plus incertains que les reconstructions nationalistes contemporaines

Deux mots ont fait fortune dans la littérature historique et anthropologique traitant de la société marocaine : zaouia etmakhzen. D'ordinaire, le premier terme est rendu par confrérie religieuse, le second par État central. Mais cette traduction oublie les sens premiers qui réfèrent avant tout à deux espaces. Le premier est le lieu où se réunissent les partisans d'une voie mystique (tarīqa) pour la méditation, la prière et la perpétuation de la tradition instituée par le fondateur ; le second est le lieu où doivent s'accumuler les moyens majeurs de gouvernement : le trésor. Deux espaces donc interdits, où ne sont admis que des spécialistes dûment qualifiés : des hommes consacrant leur vie, dans un cas au service de Dieu, dans l'autre à celui de l'État.

Dans les années soixante, l'hagiographie et le culte des saints, jadis apanages de l'historiographie religieuse, sont entrés de plein droit dans le champ de l'histoire sociale et culturelle. A la lumière de l'anthropologie et de la sémiologie, on a renouvelé les approches dans l'analyse de la formation, de la transmission et des multiples fonctions de la littérature hagiographique. Représentations de la sainteté et culte des saints constituent, en outre, les thèmes privilégiés des études sur la culture « populaire », les systèmes de croyance et la mentalité religieuse en général.