Les conditions politiques qui prévalaient au moment de la création des Nations unies – guerre contre l'Axe, monde bipolaire – ont marqué les traits singuliers de l'Organisation. Soixante-dix ans après, le monde n'est plus le même et ses exigences ne peuvent plus être satisfaites par une institution qui a beaucoup failli et n'est plus adaptée aux évolutions contemporaines. Toute refonte radicale restant peu probable, il convient de pointer les blocages qui paralysent le système et de les contourner.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la conception politique de défense de la France a été atlantiste avec la ratification du Traité de l'Atlantique Nord et interventionniste pour le maintien de ses colonies ; puis, sous l'impulsion de De Gaulle, pendant 50 ans, s'affirme une politique souverainiste, fondée sur la dissuasion nucléaire, et interventionniste dans le pré carré ex-colonial. En 2007, c'est avec Sarkozy le grand tournant du plein retour dans l'Otan et l'adhésion à une politique atlantiste de gendarme du monde, conception de la défense dans laquelle François Hollande va s'engager plus avant encore avec le Livre blanc 2013. Dans un monde où crises et conflits se multiplient, à cette politique aventureuse et déraisonnable doit être opposée une autre conception de la défense, fondée sur le multilatéralisme.
Le Livre blanc de la défense et de la sécurité 2013 définit pour les dix à vingt ans à venir la politique militaire et stratégique de la France. Il apparaît clairement qu'il est dans la continuité du Livre blanc 2007, marqué par l'option atlantiste/occidentaliste de Nicolas Sarkozy, et même l'accentue. La pleine intégration à l'OTAN dans le cadre de la nouvelle stratégie du Pentagone ; une politique de « sécurité » fondée sur des logiques interventionnistes ; la France, principale puissance militaire non africaine sur le continent africain ; le Moyen-Orient et même l'Asie orientale définis comme des théâtres d'intervention potentiels ; une projection comme deuxième puissance maritime mondiale. Cette politique de défense de François Hollande est aventuriste et irréaliste.
En Suisse, la montée de l'extrême droite se caractérise par la capacité qu'a eue le parti lié à l'establishment, l'UDC, de siphonner les petits partis, notamment autour de la thématique de la xénophobie et de l'intégrisme sociétal, tout en restant un parti très articulé au monde de la finance et de l'entreprise, mais réussissant à capter un vote populaire important au point de rassembler près de 30 % de l'électorat du pays.
En janvier 2007, Washington a demandé à la République tchèque et à la Pologne d'accueillir sur leur territoire des sites antimissiles américains. Le projet fut présenté comme défensif, destiné à contrer d'éventuels missiles balistiques d'«États voyous» , notamment de l'Iran. D'emblée ce type de menace est apparu peu crédible, au vu des moyens dont disposaient les pays présumés et les interrogations se sont multipliées sur les finalités réelles d'un tel projet . Inquiétudes dans les opinions publiques des pays concernés, mais aussi dans les autres pays de l'Union européenne, pressentant que tôt ou tard l'OTAN se trouverait impliquée. Pour sa part, la Russie a considéré que ces sites, placés au plus près de ses frontières, visaient son territoire et menaçaient la crédibilité de sa dissuasion nucléaire et elle a donc réagi très vivement en menaçant de contre-mesures de sa part. Ainsi pèse le danger d'une nouvelle course aux armements.
L'existence d'une extrême droite populiste installée est devenue une donnée permanente de la vie politique européenne. Différents d'un pays à l'autre, leur électorat est très hétérogène mais devient de plus en plus sensible aux thèmes récurrents découlant des processus de mondialisation et d'intégration européenne dont ils cherchent à capitaliser les victimes. La version suisse est historiquement plus marquée par des motifs identitaires, racistes, caractérisés par le refus de l'autre. Les populistes xénophobes y utiliseront l'arme de la «démocratie directe » et exacerberont la fibre du chauvinisme national et de la neutralité pour refuser l'adhésion à l'Europe et à l'ONU -jusqu'en 2002. Le vieux parti, d'origine agrarienne, de l'Union Démocratique du Centre trouve dans les années 90 un chef charismatique -Christoph Biocher - qui le tire vers l'idéologie reagardenne et thatcherienne et l'alliance avec les milieux d'affaires et porte son influence à 27 % des voix aux élections de 2003. Participant au gouvernement, ce parti est devenu la pièce maîtresse de la politique antisociale du patronat en matière de retraites, de privatisations, de politique monétaire et de secret bancaire. Ce passage d'un conservatisme traditionnel au populisme d'extrême droite relève-t-il d'un seul particularisme helvétique ?
La construction européenne conçue dès le départ comme une structure gérée par des experts non soumis à la «dictature de la démocratie » a été pensée comme un projet d'oligarchies se désolidarisant de leurs peuples pour se constituer en «Sainte-Alliance». Marché, libéralisme, atlantisme et fédéralisme ont été les principaux carburants de la construction européenne. Aujourd'hui, un tournant s'opère. La question sociale rejoint la question démocratique, la souveraineté populaire rejoint la question nationale, au moment même où le monde connaît un bouleversement spectaculaire. La France devra choisir entre son attachement à ses intérêts nationaux et des crises à répétition.