L'analyse des différents marchés ruraux (travail, input, output, terre, crédit¿) et de leurs interactions est importante pour comprendre les dynamiques agraires à l'oeuvre dans les pays en développement. Dans le cas de Madagascar, nous nous attelons à l?analyse des interactions entre les marchés du crédit et les marchés fonciers qui vont bien au-delà de la relation usuelle titre/certificat foncier et participation au marché du crédit formel. Les résultats de nos enquêtes montrent en effet que dans les déterminants de la participation des ménages aux marchés fonciers, les contraintes de financement et les problèmes d'accès au crédit jouent un rôle important dans les stratégies des ménages de telle sorte que la participation aux marchés fonciers du côté de l'offre peut être considérée comme un substitut aux contraintes de participations aux marchés du crédit.
Alors que l'exigence en trésorerie est accrue par la nécessité de rémunérer la main-d'oeuvre pour compléter le travail fourni par la famille, l'octroi de crédit de trésorerie est peu pris en compte dans l'organisation de la production cotonnière en Afrique francophone. L'étude est la première à aborder les conditions d'octroi et les impacts du crédit informel de trésorerie pour les producteurs de coton en Afrique francophone. L 'étude est basée sur l'analyse d'une politique particulière menée au Bénin, en 2012, d'octroi formel de crédit de trésorerie aux producteurs de coton. L'étude concerne le centre du Bénin où la politique mise en oeuvre a attiré les opérateurs de crédit informel qui ont ainsi révélé les conditions de leur intervention. L'étude a bénéficié de la collaboration des producteurs pour accéder aux données relatives aux crédits de trésorerie qu'ils avaient obtenus. Parmi les 537 producteurs de coton relevant de 15 coopératives, très peu ont échappé au recours aux opérateurs informels pour obtenir de la trésorerie, avec application d 'un taux d'intérêt annuel pouvant dépasser les 200%. En valeur, le remboursement de ce crédit peut équivaloir voire dépasser celui du crédit acquis pour les intrants, absorbant ainsi la marge monétaire dégagée de la culture du coton. Les conditions observées du crédit informel ont enfermé les producteurs dans une trappe d'endettement et de pauvreté, au bénéfice d 'acteurs ignorés de la filière cotonnière. Dans un contexte de raréfaction de la main-d'oeuvre familiale et de monétisation exacerbée, une absence ou inadaptation de politique de crédit formel de trésorerie aux paysans cultivant du coton pourrait surtout transférer le profit de cette culture aux acteurs de crédit informel et usuraire. Le recours au crédit de trésorerie devrait être davantage étudié et pris en compte dans l'organisation et la gestion des filières cotonnière.
La lutte contre la pauvreté est devenue ces dernières années le but principal des organisations travaillant à promouvoir le développement dans les pays pauvres. Dans un contexte de libéralisation et de défaillance de l'Etat et du marché à fournir des services dans les zones rurales, les ONG ont souvent servi de relais pour améliorer l'accès aux soins de santé, la vulgarisation agricole et les services financiers pour les pauvres. La microfinance, en particulier, a été favorisée par les bailleurs de fonds comme un outil efficace dans la lutte contre la pauvreté, tandis que le secteur agricole a été quelque peu négligé. Néanmoins, la microfinance, en tant que service marchand, a été critiquée par certains observateurs pour sa moindre efficacité et même pour l'exclusion des ménages plus pauvres ou de ceux qui sont contraints à une agriculture de subsistance. Cette thèse pose la question suivante : " dans quelle mesure la microfinance et la formation agricole peuvent-elles contribuer à la réduction de la pauvreté dans une région défavorisée du Cambodge ? ". Les résultats de la recherche sont basés sur une enquête de 191 ménages dans cinq villages de la province de Svay Rieng au Cambodge où le Catholic Relief Services (CRS), une ONG américaine, a mis en oeuvre des programmes de microfinance et de formation agricole. La construction d'une typologie en cinq groupes de ménages, croisée avec le cadre conceptuel du livelihood (les moyens d'existence), ont servi à l'analyse des dotations en ressources et des portefeuilles d'activités des ménages. Les ménages nonagricoles bien dotés en ressources sont plus susceptibles d'emprunter auprès du programme de microfinance. Les ménages agricoles bien dotés en ressources sont plus susceptibles de participer à la formation agricole. Certains ménages participent aux deux programmes, notamment les ménages qui ont des activités diversifiées, agricoles et nonagricoles, bien intégrées au marché, ce qui permet de gérer le risque et d'ajuster les revenus nécessaires au remboursement du crédit. Les ménages plus pauvres en général participent moins souvent aux deux programmes, étant moins disposés à prendre des risques. Les agriculteurs faiblement dotés en ressources sont notamment beaucoup moins intégrés au marché que les agriculteurs bien dotés. Les ménages plus aisés sont également plus susceptibles d'améliorer leur situation économique et à un rythme plus rapide que les ménages plus pauvres, ce qui risque de creuser les inégalités existantes. Face au défi de pérenniser leurs services, les programmes des ONG orientent leur mode d'institutionnalisation sous des contraintes différentes, avec des effets sur la clientèle. Ainsi, en tant que service marchand soumis à un cadre juridique, le programme de microfinance a une plus grande aptitude à assurer sa pérennité financière que le programme agricole. Le programme agricole, en tant que service non-marchand sans cadre juridique, peut davantage renforcer le capital humain et social à travers une appropriation sociale par les bénéficiaires, avec un effet plus large et plus durable sur la pauvreté. Le programme de microfinance semble obtenir de meilleurs résultats lorsque les ménages participent simultanément à la formation agricole, ce qui milite en faveur d'un meilleur rapprochement entre les deux services. Des politiques publiques favorisant la création d'un " réseau de services " entre secteurs sont proposées.
Le conflit armé qui oppose, selon des configurations mouvantes, l'armée régulière et les différentes factions de la guérilla et des paramilitaires en Colombie a généré d'importants flux de populations qui fuient les zones de violences pour se rapprocher des villes, généralement plus sûres. Les estimations du nombre de personnes déplacées (pour reprendre la terminologie en vigueur en Colombie) se situent entre 1,5 (données officielles) et 3 millions (selon certains organismes humanitaires). Le phénomène semble s'être ralenti depuis 2003, mais n'a pas cessé pour autant. L'arrivée massive de réfugiés dans les villes réceptrices pose un certain nombre de problèmes: - Il s'agit d'une population traumatisée et confrontée à une situation sociale et économique généralement dramatique, la plupart des familles ayant dû abandonner leurs biens ainsi que leurs sources de travail et de revenus. La population d'origine rurale, qui représente une part importante des déplacés en raison du niveau élevé d'insécurité qui règne dans les zones rurales du pays, représente une catégorie particulièrement vulnérable. D'une part, en abandonnant leur exploitation, les agriculteurs laissent derrière eux leur capital productif. D'autre part, leurs compétences professionnelles ne se prêtent pas aisément à une reconversion vers des activités urbaines, d'autant que le niveau moyen d'éducation en zone rurale est relativement faible. - Par ailleurs, les villes réceptrices elles-mêmes ne sont pas préparées à recevoir cet afflux de migrants. L'infrastructure de base est insuffisante et la crise économique conjuguée à la violence interne limite la création d'emplois et les opportunités productives, même pour la population autochtone, ce qui aiguise les tensions avec les nouveaux arrivants. Se posent également de graves problèmes de gouvernance au niveau local, qui se traduisent par l'absence de cohérence et de continuité des politiques publiques, qu'il s'agisse du soutien aux populations déplacées ou plus généralement de développement économique ...
Banque publique menacée de faillite il y a treize ans, la BRI a mis en place avec succès un réseau de petits crédits ruraux et jeté un pont vers les plus pauvres. Elle est reconnue pour sa capacité de mobiliser l'épargne locale et d'offrir des petits crédits sur des bases financières viables. Les clefs de la viabilité financière se trouvent dans des taux d'intérêts élevés, la sélection et le suivi des clients par les programmes de lutte contre la pauvreté. Le succès de l'institution s'explique également par la réduction de la structure de leurs charges en s'alignant sur les marges financières en vigueur dans les marchés locaux. Elle applique un contrôle strict du taux de défaillance et mise sur l'augmentation de la productivité de leur personnel
Basée sur la reconnaissance légale des droits fonciers locaux, la réforme foncière malgache s'attache plus à la formalisation des droits qu'à la gouvernance foncière. Elle permet, au travers de la certification, l'enregistrement de la propriété privée (et non d'autres faisceaux de droits) pour des individus (plus que des collectifs) mais, à la différence du titre, cet enregistrement porte sur des droits d'ores et déjà acquis et socialement reconnus. La politique foncière rompt le monopole de l'administration foncière et confère de nouvelles compétences aux communes (guichet foncier). Elle ne reconnait pas cependant explicitement ni une plus forte subsidiarité dans la gestion foncière (gestion des conflits, validation des transactions) ni la diversité des modes de régulation et des institutions locales. Les guichets fonciers, présents dans un tiers des communes, connaissent des trajectoires contrastées. Un tiers des guichets ont su faire preuve de résilience, plus de la moitié sont dans une situation difficile et un dixième ont cessé leur activité. Ils font à présent face à des enjeux majeurs relatifs à : l'actualisation des systèmes d'information ; leur pérennité financière - le pari sur les gains des certificats se reportant à présent sur ceux de la fiscalité foncière ; leur insertion dans la gouvernance locale et leur appropriation par les équipes communales, les autres instances d'autorités et la population. La certification n'est pas réservée à une élite mais apparait au contraire relativement accessible. Nettement plus sollicitée que l'immatriculation depuis 2005, elle reste mobilisée de façon limitée (9% des ménages en moyenne dans les communes avec guichet). Par ailleurs, les liens de causalité supposés étant ténus, la certification n'a pas eu d'effet notable sur l'accès au crédit, l'investissement ou l'activité des marchés. L'expérience malgache rappelle à nouveau l'importance de découpler formalisation et sécurisation. La demande en certificat est en effet limitée du fait du caractère non généralisé de l'insécurité foncière et de la diversité de dispositifs de sécurisation dont disposent les ménages. La certification, source de sécurisation pour certains, peut parfois générer de l'exclusion pour d'autres. Mais au delà de la certification, le guichet foncier peut contribuer à garantir les droits par ses rôles d'information et d'aiguillage dans les conflits. Néanmoins, la prise en compte par les décideurs publics - notamment lors de l'allocation de terres à des investisseurs - des guichets fonciers et, en amont, des nouvelles lois protégeant les droits fonciers locaux, est loin d'être systématique et rappelle l'importance des dispositifs d'information, de contrôle et de contre pouvoirs dans la mise en pratique des lois. La réforme a eu comme apports majeurs le guichet foncier et les certificats, mais ces dispositifs, à défaut de s'y substituer, se superposent et s'articulent aux arrangements fonciers existants. A la veille de son acte II se posent des questions clés quant aux options à consolider : le renforcement des dispositifs de formalisation (recensement fiscal systématique couplé à la certification groupée) et/ou l'orientation vers une plus forte subsidiarité dans la gestion foncière offrant l'opportunité aux communes de composer avec les différentes modes de validation et de co-arbitrer avec les différentes instances d'autorités locales.
Le réseau des Caisses d'épargne et de crédit agricole mutuels de Madagascar (CECAM) propose à ses sociétaires un produit innovant de crédit stockage pour le riz depuis 1993. La communication part du constat que le crédit stockage est un produit hybride, qui combine des flux et des stocks en numéraire et en nature, qui présente à la fois des caractéristiques de crédit et d'épargne, et qui s'articule étroitement avec les dynamiques du marché du riz local. Elle s'intéresse aux conditions d'accès et d'utilisation du crédit stockage par différentes catégories de ménages sociétaires, et à la façon dont ce produit s'insère dans les stratégies de ces ménages. La communication respose sur une analyse de données quantitatives et qualitatives collectées par les auteurs à l'occasion d'une étude d'impact du réseau menée entre 2003 et 2007. Les données suggèrent que le crédit stockage Cecam répond de manière globalement satisfaisante aux différents besoins des ménages pauvres et non pauvres : il leur permet d'abaisser le seuil d'accès au crédit, de mieux valoriser leur production de riz (que ce soit pour la vente ou l'autoconsommation), et de poursuivre différents types de stratégies (plutôt orientées vers la sécurisation alimentaire pour les ménages pauvres, plutôt associées à une logique entrepreneuriale et de diversification pour les ménages non pauvres).
A Madagascar, depuis 2005, une cinquantaine de projets d'investissement ont été recensés dans le domaine agricole mais plus du tiers a été abandonné du fait notamment de l'instabilité politique et, surtout, faute de financement et de plan économique solide ou à cause d'oppositions sociales provoquées par un manque de transparence lors des négociations pour l'accès au foncier. A priori, Madagascar est doté d'un arsenal juridique offrant un cadre de régulation aux investissements à base foncière : des lois foncières protégeant les droits fonciers locaux, une loi sur les investissements et un décret pour éviter les dommages sociaux et environnementaux. Mais les risques pour les populations locales et, à moyen terme pour les investisseurs, ne proviennent pas d'un manque de législation mais d'une tension entre les lois et leur mise en oeuvre effective et transparente. Dans ce contexte, la contribution vise à analyser la nature et l'opérationnalité des dispositifs de régulation existants à Madagascar et possibles aux vues d'autres expériences à l'international. Les différentes parties traitent des dispositifs visant à : sélectionner les formes d'investissement de manière transparente (partie 1), sécuriser les droits fonciers (partie 2), améliorer les consultations (partie 3), définir les engagements des investisseurs et en assurer le respect (partie 4). Chaque partie discute de la pertinence et des limites des outils de régulation en général et à Madagascar. La conclusion expose, sous formes de piste de réflexion et de façon détaillée, des propositions de dispositifs de régulation.
Le micro-crédit suscite un engouement parfois aveugle. Les études en cours montrent que son impact est complexe et surtout qu'il ne peut résoudre tous les problèmes. Ainsi au Niger, le crédit permettait aux femmes d'augmenter leur activité mais en réduisant leur disponibilité pour l'allaitement des enfants à bas âge. En permettant d'améliorer le statut individuel, le micro-crédit peut engendrer des changements dans les relations sociales et communautaires complexes et exacerber des conflits de pouvoir. Au total, cette forme de crédit n'est efficace que si elle s'appuie sur d'autres formes de soutien au développement, notamment l'organisation des marchés, la mise en place d'infrastructures et l'aide technique aux producteurs
Alors que les organisations paysannes d'Afrique de l'Ouest sont en pleine phase de structuration et de consolidation, se pose pour elles le problème du financement de leurs activités nouvelles et de leurs exploitations agricoles. Face à ces enjeux, plusieurs stratégies sont expérimentées : - utiliser les services financiers existants, - créer leurs propres outils de financement, - développer une fonction d'intermédiation entre exploitations et services financiers, - s'impliquer dans l'élaboration de cadre macro-économique et politique favorisant l'accès des exploitations aux services financiers
Cet article utilise l'approche des capacités pour analyser l'impact de l'horticulture urbaine et périurbaine sur le développement en Afrique. Est-ce que l'horticulture, considérée comme une innovation, peut améliorer les capacités des gens ? Cet article suggère que ce n'est pas la pratique de l'horticulture qui augmente les capacités des agriculteurs, mais le niveau de compétences qui augmente les chances d'adopter l'horticulture. Afin de répondre à la question, nous avons tenté de comprendre le contexte dans lequel le secteur agricole et les agriculteurs évoluent en Afrique, caractérisé par la transition vers une population à majorité urbaine et l'augmentation des revenus non agricoles au sein des foyers. Il est apparu important de comprendre les conditions qui sous-tendent des pratiques horticoles, en particulier les contraintes d'accès aux intrants et au crédit.