Accueillir, c'est faire une place à la parole de l'autre et son symptôme, dans ce qu'il peut avoir de dérangeant, c'est accompagner cette parole subjectivante sur la scène institutionnelle. Le refuser, on aboutit à un « encampement du monde ». L'accepter, dans la perspective d'une clinique du transfert, c'est témoigner d'une position désirante réciproque, mutuellement subjectivante. La clinique, c'est accueillir un désir de passage…
Travailler dans le champ de la précarité sociale confronte à l'omniprésence des signes du malaise social et de la souffrance psychique, évoquant une corrélation évidente entre l'état du lien social et la production de symptômes et de signes témoignant d'une souffrance psychique : c'est ce qu'a minima on peut nommer « souffrance psychosociale ». Comment définir le public précaire où se côtoient des individus aux histoires et aux parcours divers, dont le destin semble marqué par la rupture et le désarrimage au cadre symbolique, jusqu'à des états de souffrance extrême produisant des tableaux cliniques inquiétants au pronostic effroyable, faisant alors parler « d'exclusion » ? Comment articuler les pratiques de disciplines à la fois différentes et complémentaires, qui sont celles des travailleurs sociaux d'un côté et des « psys » de l'autre, pour forger une véritable « clinique psychosociale », dans une perspective institutionnelle, capable de replacer l'exclu dans un cadre langagier, dans la perspective éventuelle d'une réapparition du sujet ?
Résumé Nous avons voulu, dans cet article, rendre compte de notre pratique auprès des populations en situation de grande précarité, en tant qu'Unité clinique de la souffrance psychosociale du chu toulousain. Plus spécifiquement dans ce texte, nous tentons de témoigner de notre pratique clinique à travers un dispositif groupal, mettant en œuvre un travail dont l'objet serait précisément le groupe de praticiens acteurs de « première ligne » en tant qu'il va se constituer dans un cadre transférentiel en sujet d'un discours portant sur l'usager en grande précarité, discours qui se constitue, s'élabore dans la durée et les diverses résistances, et se fait support d'une position désirante du groupe dans laquelle le sujet, en état d'exclusion, serait alors invité à se signifier, assumant ainsi, au moins transitoirement, la responsabilité de son histoire et de son destin.
Goutte de Vies, le collectif des Morts de la rue 31, est une association qui, en s'occupant de la mort de ceux dont on ne s'occupe pas, tente de s'opposer à la disparition complète, allant jusqu'à l'effacement mémoriel, des « exclus » comme but ultime d'un long processus qui commence bien avant la mort biologique du sujet en état d'exclusion. Par son travail de soutien de ceux qui restent et de support d'un témoignage, elle est aussi le réceptacle des effets de revitalisation et de remise en récit d'histoires un temps interrompues qui sont autant d'effets subjectifs de la disparition de « l'exclu ».
Goutte de Vies est une association qui tente d'appréhender les questions relatives aux « morts à la rue » et à leurs conséquences. Au sein du collectif, nous sommes un groupe particulièrement actif auprès des équipes des structures d'accueil et d'hébergement qui nous sollicitent et où nous intervenons ponctuellement, ce qui peut avoir des effets de libération d'une parole souvent retenue voire interdite, car elle touche à quelque chose d'impensé et d'impossible, de l'ordre de la disparition et de l'effacement subjectif, dans l'exclusion et dans la mort ... C'est de ces rencontres que nous voulons témoigner.