Quand la colonisation perpétua les rapports de pouvoir propres aux sociétés de cour
In: L' homme et la société: revue internationale de recherches et de syntheses en sciences sociales, Band 175, Heft 1, S. 39-56
Le phénomène de la corruption ordinaire au Mali se déclinant en passe-droits et autres faits de clientélisme suppose une inégalité de traitement, une personnification des échanges. Il incarne les règles de base d'une société de cour et s'oppose ainsi au bon fonctionnement de l'État bureaucratique reposant sur des normes d'impersonnalisation, garantes de l'égalité des traitements. Partant de ces deux registres distincts, certains anthropologues expliquent la récurrence et la généralisation du phénomène de la corruption ordinaire par un phénomène historique d'enchâssement de registres normatifs distincts. Autrement dit aux principes de la société de cour précoloniale sont venus s'ajouter, sans les faire disparaître, les principes propres au fonctionnement bureaucratique mis en place par la colonisation française. Or, l'analyse des archives dans la zone de Bandiagara au Mali montre, tout au contraire, que le pouvoir colonial n'a jamais mis en place des règles du jeu différentes. Il n'a fait que renforcer les principes propres aux sociétés de cour et a perpétué les figures du favori, du banni et du courtisan. Et cette continuité n'a pas toujours été faite de manière consciente autorisant ainsi sans se médire à porter des jugements moraux tels que l'idée d'une décolonisation trop précoce au vu de l'ampleur de la corruption ordinaire actuelle.