Comment se déroule l'apprentissage d'un métier au lycée ? Comment les savoirs et savoir-faire sont-ils transmis et comment les jeunes, sous statut scolaire, sont-ils initiés au monde du travail ? À travers une enquête sociologique menée dans des CAP coiffure et mécanique de deux lycées professionnels, Sophie Denave et Fanny Renard décrivent les modalités de la socialisation professionnelle en lycée. Elles montrent ainsi les vertus d'une formation professionnelle scolarisée, qui ne soit pas soumise aux impératifs de productivité propres à l'entreprise.
Pour saisir la manière dont le travail façonne à la fois des corps de classe et de sexe, l'article compare les transformations corporelles d'apprenti·e·s préparant en France un Certificat d'aptitude professionnelle dans des spécialités non mixtes : les métiers de l'automobile et de la coiffure. Exposant à une pénibilité physique, ces spécialités contribuent à développer l'endurance corporelle des filles comme des garçons. Mais des normes de genre s'imposent aussi. Ainsi, dans les métiers de l'automobile, les corps sont sculptés et réparés conformément à une masculinité virile populaire. Dans la coiffure, les corps doivent masquer la pénibilité physique et être apprêtés. Ils sont mis en conformité avec des stéréotypes de genre féminin infléchis par une acculturation à des normes de classes intermédiaires et par la domination servicielle.
Cet article étudie la fabrication de différentes formes de masculinité en milieux populaires dans un contexte d'orientation professionnelle précoce. Il s'intéresse plus précisément à l'articulation des socialisations primaires et secondaires. À partir d'une enquête menée en CAP maintenance de véhicules automobiles et coiffure, il montre qu'en œuvrant à la constitution de dispositions et de centres d'intérêt différenciés, les socialisations primaires (familiale, amicale et scolaire) offrent les conditions de possibilité à des orientations tant conformes aux attentes de genre qu'atypiques. Il établit l'effet propre des contextes de formation qui, par les savoir-faire et savoir-être exigés et par les sociabilités orchestrées, façonnent des manières d'être et de faire distinctes. En renforçant certains traits des socialisations passées, ces formations participent à la construction de deux formes de masculinité en milieux populaires tout en offrant les conditions sociales d'une reproduction de l'ordre genré.
In: Lien social et politiques: revue internationale et interdisciplinaire de sciences humaines consacrée aux thèmes du lien social, de la sociabilité, des problèmes sociaux et des politiques publiques, Heft 70, S. 135-150
L'article porte sur des dispositifs mis en place dans le cadre de partenariats entre l'Éducation nationale, des collectivités territoriales et des associations d'éducation populaire au gré de politiques de « lutte contre le décrochage scolaire » ou de « programmes de réussite éducative ». Répondant aux diagnostics officiels des difficultés scolaires, ces dispositifs proposent des activités artistiques aux élèves de primaire ou de collège. Nous montrons les difficultés que ces dispositifs rencontrent ainsi que leur caractère paradoxal au vu de la persistance des inégalités culturelles. Qu'apportent des activités pédagogiques de détour qui masquent les enjeux scolaires qui les sous-tendent ?
Pendant longtemps, peu de recherches ont porté sur l'étude de l'appropriation culturelle durant l'enfance, avec les points communs et les variations entre groupes sociaux. La récente réédition commentée d'un classique méconnu s'inscrit dans le regain d'intérêt pour ces questions, avec de nombreux travaux récents. Les trois recensions que nous présentons ci-dessous se font écho pour dessiner un domaine de recherche où les connaissances s'étoffent.
Cet article propose de mobiliser le concept de « capital d'autochtonie » pour éclairer les formes de soutien et les types de ressources sur lesquels s'appuient les jeunes femmes d'origine populaire et rurale dans leur accès à l'âge adulte. Le capital d'autochtonie va permettre à ces jeunes femmes de compenser l'absence ou la faiblesse des capitaux culturels et/ou économiques nécessaires à l'insertion professionnelle ou à l'accès à la propriété. En venant combler les décalages entre les titres scolaires et les postes occupés, ou encore en contribuant à offrir aux jeunes femmes des marges de liberté et de résistance face à l'assignation domestique au sein du couple ou aux rapports hiérarchiques dans l'emploi, les ressources locales apparaissent comme des conditions de possibilité de la conciliation entre différents impératifs sociaux qui pèsent sur ces jeunes femmes, et notamment les normes de l'emploi et de la maternité. Mais, s'il permet de pallier l'absence ou la faiblesse des capitaux centraux dans l'accès à certains marchés (emploi, immobilier, matrimonial, etc.), le capital d'autochtonie ne permet pas de compenser intégralement ce déficit.