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La pédopsychiatre, une pratique jalonnée de contraintes, tarde à occuper la place qui lui revient au regard des besoins actuels. Du fait de ses domaines d'intervention, des spécificités de son corpus clinique, des exigences de son dispositif de prise en charge qui excède les limites territoriales d'un secteur sanitaire donné, la pédopsychiatre mobilise des moyens et fait appel à des modalités d'investissement qui la différencient de la psychiatrie d'adultes. La lenteur qui a caractérisé son développement, les résistances qui se sont dressées pour sa reconnaissance comme une discipline à part entière, nous mettent face à la nécessité impérieuse de revenir sur les différentes étapes de notre parcours étalé sur un quart de siècle. Nous nous attelons dans cette contribution à questionner la place de l'enfant dans notre société à travers son histoire. Les tensions perceptibles chez les familles, les négligences, les violences et les traumatismes que continuent de subir les enfants laissent apparaître la nécessité d'un projet global à leur adresse comme indicateur de sa prise en charge par la société et les institutions de l'État.

Une violence dirigée contre l'intimité du corps est cause d'une souffrance pour soi-même et pour les proches. Mais cette souffrance reste enfouie au plus profond de chacun et elle a du mal à se partager. Comment fait-elle alors retour ? Comment permettre son expression en préservant les liens ? Comment accompagner les victimes de manière à leur permettre de dépasser l'agression et renouer avec l'estime de soi ? Avons-nous dépassé les traumatismes de la guerre coloniale ? Comment ont-il été transmis à travers les générations ? Et pour finir, devons-nous nous étonner que les nombreuses situations cliniques présentées par Frantz Fanon dans la dernière partie de son livre, Les Damnés de la terre , se soient perdues dans les oubliettes du passé ?

Notre pratique pédopsychiatrique au niveau de l'hôpital psychiatrique Frantz Fanon de Blida qui remonte à l'année 1991 a été marquée par sa coïncidence avec l'irruption de la violence terroriste. Il était important à partir de cette présentation de donner un aperçu aussi bien sur ce qu'a été son point d'impact sur la population infanto juvénile et nos institutions que sur les différentes transformations de cette violence depuis lors. Dans son aspect multiforme, celle-ci continue de prendre pour cible les enfants et les adolescents et témoigne des dérèglements et d'une panne des repères symboliques qui affectent la dynamique sociale. La conséquence a été d'ouvrir la voie à toutes les transgressions sur le corps des enfants, dont la maltraitance sexuelle en représente le prototype. À partir de trois parcours de professionnelles, il sera question dans cette présentation de la clinique du traumatisme et en filigrane de la place dévolue à l'institution comme lieu d'accueil et de soin privilégié. Un travail d'élaboration dans un cadre plus global s'impose et n'a comme autre visée que celle d'actionner les mécanismes qui mettent un point d'arrêt à cette violence.