Plurimatérialité littéraire et vibrations poético-politiques chez Muriel Pic
La littérature, depuis la fin du XXème siècle, est marqué par un tournant pictorial, ainsi que le nomme Magali Nachtergael, « baigné par le monde des images modernes et des médias de masse » (2020 : 21) où transparait un mouvement d'inflation exponentielle des images qui, dans une époque « de la reproductibilité sans limite et de la virtualisation triomphante » (Malaurie, 2015 : 16), contamine toutes les sphères de l'existence. Aussi, des œuvres littéraires de plus en plus nombreuses témoignent de cette inflexion esthétique et réalité culturelle, dans lesquelles les régimes textuel et visuel ne sont pas (plus) inscrits dans une logique de la concurrence, mais s'agencent dans une perspective de co-adjonction, d'entrecroisements féconds. Ce sont ainsi des livres augmentés qui voient le jour, dans lesquels l'image – des images – enrichi(ssen)t la narration et l'univers diégétique mis sur pied. Dans le cadre de cette intervention, je m'arrêtere sur le récent 'Affranchissements' (2020) de Muriel Pic, ce « livre-errance » structuré en six parties qui déploie un récit délinéaire, truffé de matériaux visuels (une cinquantaine), et où tout part « du grimoire magique d'un album de timbres » (p. 71) et d'une « dette à rembourser ». Il s'agit d'analyser ce livre foncièrement hybride qui, dans un décloisonnement des régimes sémiotiques, active une plurimatérialité poétique et fait de l'espace littéraire un lieu – politique – de ressaisie du réel, de redécoupage de l'espace matériel et symbolique, comme le formulerait Jacques Rancière.