Dans des systèmes chaque jour plus nombreux à travers le monde, les cours constitutionnelles se reconnaissent le droit de contrôler la constitutionnalité des lois de révision. Le pouvoir de révision ne peut alors plus paraître en majesté et, par un « lit de justice », surmonter la jurisprudence des cours – puisque celles-ci peuvent désormais contrôler ses actes. Il n'est donc plus souverain. Il ne faut voir dans ce phénomène ni l'ultime consécration de l'État de droit, ni l'avènement d'un gouvernement des juges : ce contrôle fait simplement des cours un acteur supplémentaire dans la procédure de révision, qui est ainsi rendue (encore) plus difficile. Toutefois, cette évolution institutionnelle s'accompagne d'un changement notable des justifications données aux normes suprêmes des ordres juridiques concernés.
Une partie de plus en plus importante de la doctrine plaide ardemment pour que l'on rompe définitivement avec la tradition française d'un pouvoir judiciaire relégué, subordonné, voire « refusé ». L'hypothèse retenue ici est que cette demande de reconnaissance d'un véritable pouvoir judiciaire en France peut être analysée comme la revendication d'un changement de théorie justificative : alors que notre système juridique reste globalement fondé sur une minimisation du pouvoir normatif des juges, il s'agirait de le faire reposer sur l'idée inverse. Or un tel bouleversement serait lourd de conséquences, à la fois quant à la façon dont l'ordre juridique dans son ensemble est légitimé, et quant à la manière dont chaque décision juridictionnelle doit être individuellement justifiée.
Édouard Laboulaye s'est intéressé aux questions constitutionnelles au gré des événements politiques qui ont jalonné sa vie – et auxquels il a souvent pris part activement. Sa manière d'aborder ces questions est sans doute un peu datée, mais cela ne l'a nullement empêché de soulever des problèmes ou de proposer des solutions qui rencontrent un écho certain dans la pensée constitutionnelle contemporaine.
International audience ; Commençons par devancer une objection possible – relative à la consistance même du paradoxe en question. À l'évidence, il tient d'abord au vocabulaire employé, et de bons auteurs soutiendraient avec quelque apparence de raison qu'il suffit de remplacer « lois constitutionnelles » par « lois de révision » pour que le paradoxe s'évanouisse instantanément. Il nous semble pourtant que ce dernier serait alors moins surmonté que repoussé. En effet, cette substitution terminologique repose sur l'idée que le « pou-voir de révision » est un pouvoir constitué, qui se distingue donc par nature du (véritable) pouvoir constituant. Il demeure cependant que ledit pouvoir de révision crée bien des règles constitutionnelles, puisque les lois qu'il adopte sont incorpo-rées au texte de la constitution et y figurent au même titre que les dispositions initiales : en d'autres termes, le pouvoir de révision est bien, au moins quant à son objet, un pouvoir constituant. Non seulement, donc, le paradoxe initial ne s'efface pas complètement (il y a bien des « lois constitutionnelles inconstitutionnelles »), mais on voit en apparaître un autre, puisque le pouvoir de révision apparaît comme étant à la fois constituant et constitué – antinomie que l'on s'efforce de dissimuler par l'emploi de l'obscure expression de « pouvoir constituant dérivé ». Mais si le paradoxe persiste, c'est peut-être tout simplement qu'il est inévi-table : il est en effet le simple résultat de l'existence, dans la constitution, d'une procédure spéciale de révision constitutionnelle. Inclure en effet (pour des rai-sons d'ordre politique évidentes, sur lesquelles il est inutile de s'appesantir) un tel mécanisme dans la constitution, c'est assigner à cette dernière une tâche émi-nemment paradoxale – celle de déterminer les conditions de sa propre création. Sans discuter ici la teneur ni les implications d'une telle ambition, rappelons simplement que, poussée à son terme (en l'occurrence lorsque l'on prétend utiliser cette procédure de révision pour modifier la disposition instituant cette même procédure), elle aboutit à une proposition auto-référentielle, c'est-à-dire à une absurdité logique – ainsi qu'Alf Ross l'a fort bien mis en évidence 1. Mais souligner qu'il y a bien quelque chose de paradoxal dans l'idée que des lois constitutionnelles puissent être déclarées inconstitutionnelles ne signifie pas 1. Alf Ross : « À propos de l'auto-référence et d'une énigme du droit constitutionnel », in Introduction à l'empirisme juridique, trad. par E. Millard et E. Matzner, Paris, LGDJ, 2004, p. 205 et s.
International audience ; Commençons par devancer une objection possible – relative à la consistance même du paradoxe en question. À l'évidence, il tient d'abord au vocabulaire employé, et de bons auteurs soutiendraient avec quelque apparence de raison qu'il suffit de remplacer « lois constitutionnelles » par « lois de révision » pour que le paradoxe s'évanouisse instantanément. Il nous semble pourtant que ce dernier serait alors moins surmonté que repoussé. En effet, cette substitution terminologique repose sur l'idée que le « pou-voir de révision » est un pouvoir constitué, qui se distingue donc par nature du (véritable) pouvoir constituant. Il demeure cependant que ledit pouvoir de révision crée bien des règles constitutionnelles, puisque les lois qu'il adopte sont incorpo-rées au texte de la constitution et y figurent au même titre que les dispositions initiales : en d'autres termes, le pouvoir de révision est bien, au moins quant à son objet, un pouvoir constituant. Non seulement, donc, le paradoxe initial ne s'efface pas complètement (il y a bien des « lois constitutionnelles inconstitutionnelles »), mais on voit en apparaître un autre, puisque le pouvoir de révision apparaît comme étant à la fois constituant et constitué – antinomie que l'on s'efforce de dissimuler par l'emploi de l'obscure expression de « pouvoir constituant dérivé ». Mais si le paradoxe persiste, c'est peut-être tout simplement qu'il est inévi-table : il est en effet le simple résultat de l'existence, dans la constitution, d'une procédure spéciale de révision constitutionnelle. Inclure en effet (pour des rai-sons d'ordre politique évidentes, sur lesquelles il est inutile de s'appesantir) un tel mécanisme dans la constitution, c'est assigner à cette dernière une tâche émi-nemment paradoxale – celle de déterminer les conditions de sa propre création. Sans discuter ici la teneur ni les implications d'une telle ambition, rappelons simplement que, poussée à son terme (en l'occurrence lorsque l'on prétend utiliser cette procédure de révision ...
International audience ; Commençons par devancer une objection possible – relative à la consistance même du paradoxe en question. À l'évidence, il tient d'abord au vocabulaire employé, et de bons auteurs soutiendraient avec quelque apparence de raison qu'il suffit de remplacer « lois constitutionnelles » par « lois de révision » pour que le paradoxe s'évanouisse instantanément. Il nous semble pourtant que ce dernier serait alors moins surmonté que repoussé. En effet, cette substitution terminologique repose sur l'idée que le « pou-voir de révision » est un pouvoir constitué, qui se distingue donc par nature du (véritable) pouvoir constituant. Il demeure cependant que ledit pouvoir de révision crée bien des règles constitutionnelles, puisque les lois qu'il adopte sont incorpo-rées au texte de la constitution et y figurent au même titre que les dispositions initiales : en d'autres termes, le pouvoir de révision est bien, au moins quant à son objet, un pouvoir constituant. Non seulement, donc, le paradoxe initial ne s'efface pas complètement (il y a bien des « lois constitutionnelles inconstitutionnelles »), mais on voit en apparaître un autre, puisque le pouvoir de révision apparaît comme étant à la fois constituant et constitué – antinomie que l'on s'efforce de dissimuler par l'emploi de l'obscure expression de « pouvoir constituant dérivé ». Mais si le paradoxe persiste, c'est peut-être tout simplement qu'il est inévi-table : il est en effet le simple résultat de l'existence, dans la constitution, d'une procédure spéciale de révision constitutionnelle. Inclure en effet (pour des rai-sons d'ordre politique évidentes, sur lesquelles il est inutile de s'appesantir) un tel mécanisme dans la constitution, c'est assigner à cette dernière une tâche émi-nemment paradoxale – celle de déterminer les conditions de sa propre création. Sans discuter ici la teneur ni les implications d'une telle ambition, rappelons simplement que, poussée à son terme (en l'occurrence lorsque l'on prétend utiliser cette procédure de révision ...
The concept of a lack of negative jurisdiction is now used by the constitutional court and has its origins in administrative proceedings, where it refers to the fact that an administrative authority falls short of its jurisdiction (even if the situations referred to are much more varied than in constitutional law). In spite of this apparent simplicity, it must be observed that the administrative court regards that irregularity either as an 'error of law' (a matter of internal legality) or as a sort of lack of jurisdiction (a matter of external legality — a matter of public policy), without there being any apparent justification for that difference in treatment. This study proposes both an analysis of these uncertainties in the case-law and a reflection on what academic writers can say. ; International audience ; The concept of a lack of negative jurisdiction is now used by the constitutional court and has its origins in administrative proceedings, where it refers to the fact that an administrative authority falls short of its jurisdiction (even if the situations referred to are much more varied than in constitutional law). In spite of this apparent simplicity, it must be observed that the administrative court regards that irregularity either as an 'error of law' (a matter of internal legality) or as a sort of lack of jurisdiction (a matter of external legality — a matter of public policy), without there being any apparent justification for that difference in treatment. This study proposes both an analysis of these uncertainties in the case-law and a reflection on what academic writers can say. ; Très utilisée aujourd'hui par le juge constitutionnel, la notion d'incompétence négative trouve son origine dans le contentieux administratif, où elle désigne le fait pour une autorité administrative de rester en deçà de sa compétence (même si les hypothèses alors visées sont beaucoup plus variées qu'en droit constitutionnel). En dépit de cette apparente simplicité, on doit observer que le juge administratif regarde ...