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La pandémie de Covid-19 nous confronte à l'exigence de devoir rendre compte d'un nouveau monde en train de se construire avec les représentations d'un monde en train de disparaître. Ce monde en béton armé nous paraissait aussi solide et infranchissable que la ligne Maginot à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. Dans les deux cas, il nous a fallu déchanter, nos croyances se sont avérées totalement inappropriées à la situation. Les maladies de l'anthropocène mettent en lumière l'obsolescence des catégories de penser et d'action fondées sur les normes des sociétés thermo-industrielles. Il nous faut aujourd'hui restaurer l'humanisme ou consentir, tel Icare, à périr de nos conquêtes machinales qui sont autant des défaites de notre humanité. Il nous faut renouveler le langage humaniste des solidaristes organisé par le concept de « dette sociale ».

La haine qui s'empare des partisans des identités meurtrières se manifeste comme une haine de la diversité, diversité constitutive des identifications composites des sujets humains . Les angoisses existentielles et les désarrois politiques qui accompagnent les changements brutaux de la mondialisation ont accru le désir d'identité, et favorisé l'émergence des terrorismes identitaires . La psychanalyse peut-elle nous aider à rendre compte du désir d'identité qu'exploite le politique comme le « religieux », et que recyclent les terrorismes actuels ? L'auteur montre que pour la psychanalyse, l'identité se révèle un mirage dont l'humain est en quête.

En s'inspirant du sous-chapitre « Mesure et démesure » de L'Homme révolté , d'Albert Camus, cette courte note souligne l'importance qu'il y à refuser et à se révolter, aujourd'hui, contre une civilisation contemporaine qui, par la quantification et le formalisme, tente de réduire l'humain au monde des choses, des produits financiers, des marchandises et du spectacle.

Les inégalités sociales et les pratiques politiques de confiscation du pouvoir souverain du peuple ne sont pas tant la cause de l'affaiblissement de la démocratie que sa conséquence. Ce qui affaiblit la démocratie, comme processus fondé sur le principe d'une répartition égalitaire de la parole, c'est le déploiement dans tous les domaines d'une logique technicienne privant l'individu de ses capacités créatrices et prolétarisant l'existence humaine. La question démocratique est celle de la résistance à cette logique.

Résumé La récusation dont la psychanalyse est l'objet aujourd'hui dans le public relève davantage de son genre , le genre narratif, que de l'évaluation de ses résultats thérapeutiques ou théoriques. La crise du récit que traverse notre société serait imputable aux logiques techniciennes et consuméristes qui, depuis plus de trente ans, façonnent une nouvelle hégémonie culturelle. La « dignité de penser » exige un « souci » de la parole et du récit pour transmettre l'expérience.

Cet article publie les réponses de Roland Gori aux questions posées par la Revue du MAUSS semestrielle sur l'efficace de la psychanalyse autour de la question plus large de l'émancipation individuelle. Il ne peut exister en tout état de cause, dit en substance l'auteur, que des moments, plus ou moins fugaces, de libération, certainement pas un état permanent. Car l'expérience de l'analyse, dit-il encore, « met en évidence à quel point les sujets aiment leur servitude et leur aliénation qui non seulement les exemptent de la culpabilité de penser, mais encore constituent les moyens privilégiés pour obtenir l'amour ».

De cet entretien-débat à propos du dernier ouvrage de Roland Gori, ressort principalement la dénonciation vigoureuse par celui-ci des excès du néo-libéralisme lequel contiendrait en germes des dérives néo-fascistes de nature à corrompre le système et les valeurs démocratiques. Cette dénonciation s'accompagne d'une mise en cause de la sur-modernité, terreau, selon lui, favorable à l'exacerbation de l'individualisme et du narcissisme chez une fraction importante des membres de notre société ; celle-ci affectée par le technicisme ambiant et les pressions à l'uniformité, signes annonciateurs d'une évolution vers une organisation totalitaire, susceptible de dégénérer en « désert politique ». Un certain consensus s'est établi au cours du débat sur l'idée d'un primat de l'éthique et de l'humain et sur la préservation et même la stimulation des forces de résistance aussi bien aux conditionnements émanant de l'univers techno-libéral qu'aux menaces des fascismes meurtriers et des réseaux d'information interconnectés déshumanisants. S'il fallait relever un décalage entre les points de vue exprimés, celui-ci ne concernerait que l'évaluation de la nocivité de certains aspects de la sur-modernité et l'étendue des domaines culturels ou sociaux affectés par un ultralibéralisme incontrôlé. Émerge, enfin, de l'entretien une égale conviction concernant la pérennité de la fonction émancipatrice et humanisante de la psychanalyse.

Resisting a society of norms and assessment Dans un contexte de rationalisation économique et comptable, on assiste aujourd'hui à une véritable crise des valeurs des professionnels. Face à de telles mutations anthropologiques quelles sont les possibilités aujourd'hui d'exercer nos métiers, comme ceux de l'éducation, du soin, de la recherche, du travail social, de la culture, de la justice ? Un discours de compétition et d'excellence est tenu plus que jamais dans les lieux décisionnaires et se trouve adossé à des pratiques de l'évaluation constituant de nouveaux dispositifs de servitude volontaire. La souffrance au travail est le nom des effets de ces pratiques. La résistance à cette casse des pratiques professionnelles consiste en premier lieu à analyser et à déconstruire le fonctionnement de ces dispositifs de normalisation et à nous engager dans une culture des métiers, de leur éthique et de leur finalité spécifique tout en créant de nouvelles solidarités.

L'émergence d'une civilisation numérique qui segmente et analyse toute activité comme une série d'actes commensurables procède de la mise en place de dispositifs d'initiation sociale à une manière de penser le monde, le rapport à soi-même et aux autres. Peu importe la validité de ces procédures et leur adéquation aux objets et aux pratiques qu'elles prennent dans leur dispositif, seule compte la servitude volontaire qu'elles imposent aux sujets qui s'y façonnent ou y résistent avec plus ou moins de bonheur. La conception managériale du soin ne constitue qu'une étape supplémentaire de cette longue histoire du rationalisme économique occidental qui exerce une formidable et monstrueuse vissement subjectif au nom même des libertés individuelles et des dispositifs sécuritaires qui les accompagnent. Les experts au premier rang desquels se placent les scientifiques, les médecins et les économistes deviennent alors « les scribes de ces nouvelles servitudes ».