Résumé Dans les missions locales jeunes, le face-à-face entre l'usager et le conseiller en insertion est idéalement pensé sur le principe d'une prestation de service : doté de compétences techniques et d'une bonne connaissance du dédale des aides mises à disposition, c'est par l'information et le conseil technique que le conseiller oriente l'usager le plus efficacement possible à travers la multiplicité des parcours d'insertion disponibles. Or, dans les faits, les parcours institutionnels d'insertion ne se matérialisent pas comme un acheminement direct, fluide et sans entraves vers le marché de l'emploi. Prenant au sérieux les épreuves auxquelles se trouvent confrontés les jeunes à travers ces parcours, certains professionnels adaptent leur rôle, en s'orientant vers des formes plus négociées d'interaction. Ils appréhendent ainsi le parcours sous l'angle des changements de statut, des ruptures biographiques qu'il sous-tend, du point de vue des ressources et des tactiques nécessaires pour faire face à l'incertitude qui l'entoure. D'autres conseillers développent inversement des stratégies de survie, en se repliant sur le protocole d'une relation administrative.
u sein des écoles situées en REP, les termes de « souffrance », de « mal-être », d'« enfants qui vont mal » ou « qui ne vont pas bien » sont désormais mobilisés par les acteurs scolaires pour requalifier les conduites d'élèves repérés comme « perturbateurs » et « inadéquats ». Quel traitement des élèves est mis en œuvre au nom de leur pâtir ? Quel statut leur est attribué lorsqu'ils sont reconnus et traités comme des élèves « en souffrance » ? Cet article vise à montrer que la construction de l'enfant dans le registre de la souffrance produit deux traitements différents, en fonction de l'organisation du travail qui s'établit entre les professionnels. L'un tendrait à produire de la stigmatisation, l'autre viserait plutôt à permettre aux élèves de développer des capacités relatives à des situations. L'article tente également d'expliquer comment les professionnels peuvent basculer de l'une à l'autre conception de la souffrance des élèves.
Il y a une dizaine d'années dans le canton de Genève, des éducateurs sociaux ont été introduits au sein des écoles primaires du REP. Cet article vise à interroger la construction de ce nouveau rôle éducatif sous l'angle des collaborations interprofessionnelles et de la division du travail qui se sont instaurées entre les éducateurs sociaux d'une part, et les enseignants et les directeurs d'école d'autre part. Il montre que si les prescriptions formelles imposent une activité de concertation entre enseignants, directeur et éducateurs dans la mise en œuvre du travail éducatif, la forme effective prise par ces collaborations interprofessionnelles s'opère ou se négocie en grande partie au regard des caractéristiques des situations concrètes. L'analyse distingue ainsi deux types de situations suscitant en effet le développement de formes collaboratives distinctes : les situations problématiques répertoriées, et les situations de crise.
In: Lien social et politiques: revue internationale et interdisciplinaire de sciences humaines consacrée aux thèmes du lien social, de la sociabilité, des problèmes sociaux et des politiques publiques, Heft 66, S. 19-37
Le droit des usagers à disposer d'une possibilité de choix quant aux services publics auxquels ils ont recours est aujourd'hui un principe transversal aux politiques publiques dont l'objet est la personne humaine (social, éducation, santé). L'article propose d'étudier la prégnance exacte de cette philosophie politique du choix et les « formes pratiques » auxquelles elle donne lieu, dans différents domaines d'intervention de l'État : le champ de l'éducation familiale et de la protection de l'enfance ; l'insertion sociale et professionnelle des jeunes sans emploi ; la politique d'aide en faveur de la vieillesse dépendante ; les politiques de choix d'établissement scolaire par les familles. L'analyse procède en trois étapes. D'abord, l'étude des textes et discours officiels distingue deux formes typiques : le « choix-liberté » et le « choix-responsabilité ». Ensuite est étudiée la mise en oeuvre de cette double conception dans différents contextes institutionnels. Enfin, on établit la portée réelle de cette idéologie pour les usagers à partir de la notion de « choix-autonomie ».
Appelée à gérer des situations qui vont au-delà du travail éducatif ordinaire et à traiter les problématiques pouvant émerger du fait de la prise en compte de publics en situation de précarité et de grande hétérogénéité socioculturelle, l'école se voit directement confrontée à la question sociale, sous une forme à bien des égards renouvelée. Face à des populations d'élèves dont les régimes sociaux d'existence s'écartent des rôles et des conduites attendus, l'institution scolaire se charge non plus seulement d'instruire des cohortes mais aussi d'éduquer, de soutenir, d'inclure et d'accompagner des acteurs scolaires (élèves, parents) pris dans un monde d'instabilité et d'insécurité sociales croissantes. Ce contexte général se traduit par une double exigence, de diversification des rôles professionnels et de développement d'une prise en charge axée sur les singularités des élèves, laquelle est porteuse d'innovations, mais aussi source de tensions. Au travers de contributions issues de différents contextes éducatifs, ce numéro de Raisons éducatives propose d'identifier les avancées et les points d'achoppement qui caractérisent le traitement de la question sociale à l'école.