Réforme du financement de la Communauté germanophone dans l'hypothèse d'une Septième réforme de l'État - Perspectives juridiques et budgétaires d'un modèle « Communauté et Région »
Dans la perspective d'une éventuelle Septième réforme de l'État belge, le Parlement de la Communauté germanophone a souhaité qu'une étude soit menée sur une réforme du système de financement de ladite Communauté, en concentrant l'attention sur les deux volets suivants : le premier, dans une perspective juridique, est consacré à l'analyse des possibilités existantes ou à créer, en droit, pour que la Communauté germanophone exerce les compétences fiscales de la Région wallonne et de la Province de Liège ; le second, d'ordre budgétaire, doit permettre d'identifier et de décrire les aspects méthodologiques dont il faut tenir compte pour réaliser et alimenter un simulateur qui partirait de l'hypothèse d'une intégration de la Communauté germanophone, dotée de toutes les compétences régionales et provinciales, dans les mécanismes de financement des Communautés et des Régions prévus dans la loi spéciale du 16 janvier 1989 (ci-après « LSF »). L'étude part de l'hypothèse selon laquelle la Communauté germanophone assumerait «toutes les compétences qui ont été transférées aux entités fédérées belges dans le passé ou leur seront transférées à l'avenir dans le cadre de la réforme de l'État». Pour cette raison, sont exclues du champ de notre étude les pistes tracées par les articles 139 de la Constitution et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles («LSRI»). D'emblée, précisons que le présent rapport retient un unique scénario, qui repose sur la création d'une quatrième Région (une « Région germanophone »), qui s'ajouterait –sans la remplacer –à la Communauté germanophone. Pour l'heure, la Communauté germanophone est pourvue d'une seule compétence fiscale –qu'elle n'a encore jamais mise en œuvre –, à savoir celle d'établir des taxes propres consacrée à l'article 170, § 2, alinéa 1er, de la Constitution. Pour sa part, la Région wallonne dispose non seulement du pouvoir de lever des taxes propres sur la base de la même disposition constitutionnelle, mais est aussi compétente pour les impôts régionaux repris à l'article 3 de la LSF ainsi que pour les centimes additionnels «élargis» à l'IPP visés aux articles 5/1 à 5/8 de la même loi. Quant à la Province de Liège, outre l'habilitation d'instaurer à son tour des prélèvements fiscaux propres en vertu de l'article 170, §3, alinéa 1er, de la Constitution, elle jouit encore de la prérogative de fixer des centimes additionnels «classiques» au précompte immobilier, conformément à l'article 464/1,1°, du CIR/92. Dans la mesure où la Constitution belge règle la répartition des compétences entre les différentes autorités de Belgique, sa révision serait nécessaire pour que la Communauté germanophone soit autorisée à exercer l'ensemble des compétences fiscales régionales et provinciales ainsi rappelées. Pour ce faire, plutôt que de proposer l'instauration d'une entité fédérée unique pour la région de langue allemande – ce qui pourrait faire l'objet d'une nouvelle étude à l'avenir –, notre rapport retient un scénario reposant d'abord sur la création d'une Région germanophone dont l'assise territoriale serait identique à celle de la Communauté homonyme, dont l'existence serait par ailleurs maintenue. De cette manière, toute compétence de la Région wallonne et de la Province de Liège serait exclue en région de langue allemande. Un autre avantage de ce scénario est qu'il limiterait considérablement une potentielle révision de la Constitution – le lecteur peut trouver en annexe au présent rapport plusieurs tableaux reprenant les dispositions constitutionnelles dont la révision paraît indispensable, seulement recommandable ou éventuellement accessoire à la mise en œuvre du modèle « Communauté et Région germanophones » que nous avons retenu. Encore, une telle situation serait propice, selon nous, à l'intégration de la Communauté germanophone dans des lois spéciales telles que la LSRI et la LSF. Afin que la Communauté germanophone puisse exercer les compétences régionales, nous suggérons une modification de l'article 137 de la Constitution afin d'étendre le mécanisme de transfert applicable à la Communauté et à la Région flamandes à la relation entre la Communauté et la Région germanophones. Ainsi, l'article 139 de la Constitution serait abrogé et les organes de la Communauté germanophone pourraient exercer exclusivement, en principe, l'intégralité des compétences régionales, en plus des compétences communautaires, sur le territoire de la région de langue allemande. En outre, il en résulterait une union du budget de ladite Communauté avec celui de la nouvelle Région germanophone. De la sorte, il serait possible au Parlement germanophone d'autoriser le financement de l'exercice des compétences communautaires au moyen de recettes régionales et inversement. Si cela était jugé nécessaire, un mécanisme inédit de transfert, par la Région germanophone, de l'exercice de certaines compétences régionales à la Région wallonne pourrait être inséré dans la Constitution, à condition d'accompagner ce mécanisme de garanties démocratiques. En tous les cas, les autorités fédérées germanophones pourraient coopérer avec la Région wallonne dans le canevas d'accords de coopération ou de décrets conjoints dans l'optique d'un exercice conjoint de certaines compétences régionales. Pour ce qui concerne les compétences provinciales, nous pensons que l'article 163 de la Constitution pourrait être révisé pour que, de même qu'en région bilingue de Bruxelles-Capitale, toute forme d'organisation provinciale soit supprimée en région de langue allemande. Une telle situation offrirait à la Communauté germanophone l'occasion de reprendre les compétences en question, à l'exception de la réglementation des questions d'intérêt provincial qui, pour sa part, ne se justifierait plus dans ladite région linguistique. Il en résulterait, notamment, la transformation de la nature des anciennes normes provinciales –les prélèvements fiscaux inclus –en normes fédérées, avec toutes les conséquences que cela implique. Dans l'hypothèse où la Communauté germanophone ne saurait reprendre les compétences provinciales faute de réaliser le modèle « Communauté et Régions germanophones », la suppression des institutions de la Province de Liège et leur remplacement, notamment, par deux collectivités supracommunales, dont l'une serait propre à la région de langue allemande, pourraient servir de pis-aller. En effet, en s'inspirant de l'article 166 de la Constitution qui autorise la Région de Bruxelles-Capitale à exercer l'intégralité des compétences de l'Agglomération bruxelloise, l'on pourrait adéquatement réviser la Constitution – par exemple, en adoptant un article 166bis – afin que la Communauté germanophone exerce les compétences d'une hypothétique collectivité supracommunale germanophone. Toutefois, l'inconvénient majeur d'un tel scénario serait qu'il présume le maintien de la compétence de la Région wallonne en région de langue allemande et s'opposerait, en conséquence, à l'exercice, par la Communauté germanophone, des compétences régionales en dehors de la mise en œuvre de l'article 139 de la Constitution. Considérant l'alignement du financement de la Communauté germanophone sur celui des autres autorités communautaires, le présent rapport révèle des similitudes et des divergences. D'une part, il apparaît que les montants de base des dotations fédérales octroyées à la Communauté germanophone ainsi que les clés de répartition appliquées à celles-ci ont été calculés de manière équivalente aux deux autres Communautés. D'autre part, la méthode d'estimation des montants de base des parts attribuées des recettes de TVA et d'IPP est différente pour la Communauté germanophone en comparaison avec celle des autres Communautés. Une autre étude s'avère donc nécessaire pour résoudre les questions techniques liées aux clés de répartition ainsi qu'aux montants de base des parts attribuées des recettes d'IPP et de TVA. Au sujet de l'alignement du financement de la Région germanophone sur celui des autres Régions, nous avons identifié les compétences dont l'exercice a déjà été transféré par la Région wallonne et celles qui demeurent (encore) dans son giron. Dans le cadre d'un éventuel transfert de ces dernières, nous avons tenté de déterminer la part que le budget wallon leur octroie. En ce qui concerne spécifiquement les mécanismes de financement des Régions, nous avons soulevé les aspects méthodologiques qui permettraient aux autorités fédérées germanophones d'exercer effectivement une autonomie fiscale propre. Ces aspects méthodologiques consisteraient: -à établir, sur la base des compétences à transférer, les besoins de la Région germanophone; -à intégrer la Région germanophone dans les mécanismes de financement des autres Régions; -et à comparer les moyens et les besoins, de manière à déterminer si la différence constatée devrait être corrigée par un mécanisme fondé sur une quelconque dotation spécifique. Néanmoins, une analyse plus approfondie devrait être réalisée sur la détermination précise des montants des compétences dont la Région wallonne pourrait encore se départir à l'égard de la nouvelle Région germanophone. Pour ce faire, il importerait d'identifier d'abord les moyens financiers exactement alloués à chaque compétence à partir du budget wallon. L'étape suivante consisterait alors à identifier les ressources financières revenant à la Région germanophone (taxes propres, impôts régionaux, IPP régional, parts attribuées des recettes d'IPP, etc.). À partir de ces informations, nous serions en mesure de déterminer les moyens financiers dont les autorités fédérées germanophones auraient besoin afin de prendre en charge les anciennes compétences de la Région wallonne sur leur territoire. Pour le reste, bien que le présent rapport postule et recommande de tendre à la neutralité budgétaire à l'issue de l'éventuelle réalisation du scénario «Région germanophone» exposé plus haut, nous ne sommes pas en mesure de confirmer, à ce stade, que les autorités fédérées germanophones recevraient les moyens correspondants à leurs besoins. Il en irait particulièrement ainsi sous l'angle des incidences, sur le rendement de l'IPP, des flux de navetteurs observables aujourd'hui en région de langue allemande, toutes autres choses restant égales. À supposer que ces flux engendreraient effectivement un déséquilibre budgétaire, les mécanismes de compensation qui nous semblent les plus efficaces reposeraient sur le recours à des dotations. Enfin, nous n'apercevons rien dans la LSF qui s'opposerait à une éventuelle extension du mécanisme vertical de solidarité nationale, applicable aux trois Régions existantes, à une hypothétique Région germanophone.