Depuis 1976, l'ouverture de la Chine aux échanges internationaux a coïncidé avec la priorité accordée aux objectifs du développement. Dans quelle mesure cette réorientation de la stratégie économique influence-t-elle la conduite de la politique étrangère ? La contribution que peut apporter l'Occident au développement chinois semble, à court terme, économiquement nécessaire, mais politiquement dangereuse : en 1982, la réactivation du contentieux taïwanais et le rapprochement avec l'URSS peuvent être considérés comme autant de contrepoids destinés à équilibrer la position des dirigeants chinois face aux factions et aux appareils. Si elle se confirmait, la mise en œuvre une coopération économique avec Occident, assortie d'un rapprochement idéologique et politique avec le camp socialiste, appellerait de la part de la Chine une diplomatie dont les prudences, les nuances et, éventuellement, les contradictions fonderaient l'ambiguïté en système.
En 1953, R. Murphey publiait un livre intitulé : Shanghai, key to modem China. Vingt-cinq ans plus tard, le même auteur affirme que cette clé n'était pas la bonne et que Shanghaï, tête de pont isolée de la pénétration occidentale, n'a, en définitive, guère joué de rôle dans l'évolution de la Chine moderne. Le quart de siècle écoulé nous invite à prendre du recul ; il devrait nous permettre d'analyser l'expérience des ports ouverts, et plus particulièrement celle de Shanghai, sans excès de bonne — ni de mauvaise — conscience.La révolution de 1949 élimine, sinon Shanghai, du moins le modèle de développement inspiré de l'Occident dont la ville est devenue le symbole.
L'INFLUENCE DU MODÈLE SOVIÉTIQUE SUR LA POLITIQUE DES MINORITÉS NATIONALES EN CHINE : LE CAS DU SINKIANG 1949-1962, par MARIE-CLAIRE BERGÈRE A son arrivée au pouvoir, en 1949, le PCC définit une politique des nationalités largement — mais non totalement — inspirée du modèle soviétique. Contrairement à ce qui se passe dans le domaine économique par exemple, où la communauté des principes et des vocabulaires recouvre à partir de 1955 une originalité croissante de la stratégie maoïste, la politique chinoise des nationalités refuse d'emblée certains aspects théoriques du modèle soviétique (le fédéralisme, en particulier) mais s'avère dans la pratique très proche de celle de l'URSS. Inspirées l'une et l'autre par un marxisme-léninisme qui n'accorde au nationalisme qu'une importance transitoire, la Chine et l'URSS se dressent l'une contre l'autre aux frontières du Sinkiang dans un conflit qui renouvelle les données, mais continue la tradition, des grands affrontements impérialistes du XIXe siècle en Asie centrale. [Revue française de science politique XXIX (3), juin 1979, pp. 402-425.] THE INFLUENCE OF THE SOVIET MODEL ON THE POLICY FOR NATIONAL MINORITIES IN CHINA THE CASE OF SINKIANG 1949-1962 MARIE-CLAIRE BERG RE On gaining power in 1949 the Chinese Communist Party outlined policy on nationali ties which was largely but not totally drawn from the Soviet model Contrary to what happened in the economic sphere for example where the community of principles and vocabulary concealed the growing originality of Maoist strategy from 1955 onwards Chinese policy on nationalities rejected certain theoretical aspects of the Soviet model from the outset federalism in particular) but proved in practice to be very close to Soviet policy Though they are both imbued by Marxist-Leninist doctrine whicb atta ches only passing importance to nationalism China and the USSR confronted one ano ther on the Sinkiang border in conflict which changed the facts but continued the tra dition of the great imperialist confrontations of the 19th century in Central Asia Revue fran aise de science politique XXIX 7) juin 1979 pp 402-425
The uncertainty of the post-Maoist era, by Marie-Claire Bergère The presence of Mao Zedong at the head of the Chinese Communist Party transformed a classic type bureaucracy into an aleatory one, both unforeseeable and arbitrary. Mao did not succeed in setting up a personal despotic regime. The struggle between Mao and the forces which seek to neutralise him, make the regime unstable. Three years after Mao's death, the political forces regained their equilibrium with Deng Xiaoping, though not without a certain opposition. Faction strife influences the relationship between government and those governed and dissension leads to a climate of anarchy, particularly agitated in the towns: political opening did not have the desired effect on the town masses. The urgent need for economic development cannot neglect the aim of a classless society, but the persistence of the Maoist utopia hinders the development of accelerated industrialisation. The contradiction between utopia and development assumes an explosive nature in China.
Le renversement de la conjoncture internationale qui survient après la Première Guerre mondiale coïncide en Chine avec une grave crise de subsistance provoquée par ces calamités naturelles — sécheresse et inondations — dont le retour périodique rythme la vie et la mort des paysans chinois. Entre 1920 et 1922, l'échec des récoltes, dont l'accaparement et la spéculation amplifient les effets, installe dans les campagnes une misère inhumaine. Les études portant sur l'économie agraire de l'Europe classique nous ont familiarisés avec l'histoire de ces détresses. Les crises de subsistance ont été assez analysées pour que leurs mécanismes ne posent plus de problèmes majeurs à l'historien. La misère des paysans privés de ressources est simple à comprendre : elle demeure difficile à imaginer. La tâche du chercheur nous semble ici d'aider à saisir, à vivre de l'intérieur un phénomène qui, dans la mesure où il n'arrête guère l'esprit, risque d'être aussi vite négligé qu'accepté.