La crise institutionnelle espagnole soulève des questions sur la dimension géopolitique, et non pas seulement technique, de la décentralisation. Les nationalismes régionaux (comme en Corse, au Pays basque, en Bretagne) en modifient les enjeux. La Constitution espagnole de 1978 ouvrait la voie à un modèle plus complexe que celui de l'État-nation jacobin dans lequel prime l'égalité sur la diversité. Les partis nationalistes régionaux ont mis à profit la décentralisation pour diffuser une idéologie séparatiste dans les territoires qu'ils contrôlaient.
Les médias francophones, en couvrant l'actualité politique bruxelloise et à la faveur des (très médiatisés) «conflits» communautaires, évoquent régulièrement les volontés du pouvoir flamand de (re)conquérir Bruxelles, voire une véritable «flamandisation» de la ville. Cet article tente d'éclairer cette question de manière empirique à l'aide de différents «indicateurs» de la présence flamande à Bruxelles. L'analyse des migrations entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles ces vingt dernières années montre que la population néerlandophone de Bruxelles n'est pas en augmentation. D'autres éléments doivent donc être trouvés pour expliquer ce sentiment d'une présence flamande accrue. Une étude plus poussée des migrations montre une concentration vers le centre de Bruxelles des migrations depuis la Flandre, et les investissements de la Communauté flamande sont également, dans beaucoup de domaines, concentrés dans le centre-ville. On observe en réalité, à défaut d'une véritable «flamandisation», une augmentation de la visibilité de la communauté flamande, à la fois en tant que groupe de population et en tant qu'institution politique. Le «mythe de la flamandisation» prend essence dans cette visibilité accrue, mais aussi dans les réactions francophones à cette visibilité. L'article analyse, au passage, les différentes formes que prend la présence institutionnelle flamande dans l'espace urbain, et en particulier dans le domaine culturel, lequel présente à Bruxelles des enjeux particuliers. ; info:eu-repo/semantics/published
Marquées par la percée de l'extrême droite, les élections municipales de 2014 à Béziers et Perpignan sont l'aboutissement de processus à l'œuvre depuis plusieurs décennies. Derrière la poussée de l'extrême droite se lisent le déclin des systèmes géopolitiques locaux qui dominaient ces villes et une extrême-droitisation du paysage politique, marqueurs de profonds changements. Pauvreté, difficile succession à droite, crise de la gauche, ancienneté du vote FN fournissent le terreau sur lequel prospèrent de nouveaux maîtres du Sud. Nouveaux maîtres qui posent désormais la question des pouvoirs aux différentes échelles institutionnelles.
Les relations entre Paris et la banlieue ont toujours été délicates, mêlant des périodes d'hostilités et des périodes d'ignorances réciproques. Actuellement chacun convient que la situation devrait changer pour mieux tenir compte de la réalité des échanges et des complémentarités entre Paris et les territoires environnants. Si tous admettent que quelque chose doit changer personne n'est d'accord sur le sens et les modalités des transformations institutionnelles à engager. Cet article vise à décrire les principaux enjeux qui sont au cœur de la relation Paris-banlieue et les raisons qui expliquent la difficulté pour aboutir à une situation plus satisfaisante pour tous les protagonistes.
Après la révolution de 1930, l'État brésilien a connu une centralisation sans précédent et la création d'institutions publiques nouvelles liées à la modernisation sociale, économique et culturelle du pays. L'analyse des biographies et de l'activité politique des deux principaux leaders de ce mouvement dans le Nordeste - l'un militaire, l'autre civil - permet de comprendre comment les descendants des familles de grands planteurs en déclin, localisées dans des régions marginales par rapport au pouvoir central et cherchant à se reclasser, ont contribué à la reconstruction de l'État national. Leur nouvelle autorité et les innovations institutionnelles introduites ont permis d'établir ou de renforcer localement le pouvoir de leurs alliés.
The flood risk has long been seen only as a hydrological phenomenon. Flood risk management has therefore been directed almost exclusively toward curative methods. Dykes and dams attempted to contain the flood while crisis management and insurance compensated for loss. The acknowledgement of human responsibility in natural disasters has widened the epistemological field of natural hazards geography to encompass the concept of vulnerability. It has also shifted risk management towards non-structural methods such as vulnerability reduction and land use planning. Prevention, strictly speaking, is relatively recent. Over the past fifteen years, the increasing damage cost in France has caused a reaction of the authorities, who have expressed through various laws and incentive measures their wish to develop integrated risk management. Implementation of these principles at the local scale is problematical. The Languedoc-Roussillon region in France has proved a choice case study for the analysis of risk production and mitigation measures. Recent and disastrous floods have highlighted the relative failure of the existing risk management system. The analysis of flood damages and casualties sheds light on the risk production system which has prevailed for three decades. It shows that existing protection measures were not able to prevent the urbanization of flood-prone areas. The decreasing acceptability of the risk have even masked the reduction in vulnerability gained through better building techniques. This research on flood risks in Languedoc-Roussillon aims to bring new ways of assessing risk management measures. It turns out that the "hazard paradigm" still prevails and causes costly expenditures on structural protections. Furthermore, the top-down institutional approach to risk prevention generates conflict and measures ill-adapted to the Mediterranean context. Prevention would benefit from taking into account the specific characteristics of Mediterranean basins to improve such measures as upstream control, vulnerability reduction or flood warning. In the face of the sometimes haphazard or ill-adapted development of prevention, there is a blatant lack of risk assessment in France. This lack is partly due to cultural and political restrictions, and partly to a severe lack of data. This study offers some leads by analyzing specially assembled databases regarding flood damages and casualties. It also goes back over post-disaster reconstruction, a rich field although little explored in France. ; Le risque inondation a longtemps été abordé comme un phénomène purement hydrologique. Sa gestion s'est donc presque exclusivement orientée vers des méthodes curatives. Digues et barrages tentaient de contenir les flots tandis que la gestion des crises et la réparation par l'assurance compensaient les pertes en cas de catastrophe. La reconnaissance d'une responsabilité humaine dans les catastrophes naturelles a ouvert le champ épistémologique de la géographie des risques naturels autour du concept de vulnérabilité. Elle a aussi réorienté leur gestion vers des méthodes non structurelles comme la réduction de la vulnérabilité et la maîtrise de l'occupation du sol. La prévention stricto sensu est finalement assez récente. Depuis une quinzaine d'années en France, le coût croissant des dommages a entraîné une réaction des pouvoirs publics qui ont exprimé par diverses lois et mesures incitatives leur volonté de développer une gestion intégrée du risque. A l'échelle locale, la mise en pratique de ces principes rencontre des difficultés. La région Languedoc-Roussillon s'est révélé être un terrain d'étude de choix pour l'analyse des modes de production du risque et de sa prévention. Des crues catastrophiques récentes ont mis en exergue la relative faillite du système de gestion du risque existant. L'analyse des dommages et des victimes des inondations éclaire a posteriori le système de production du risque qui a prévalu pendant une trentaine d'années. Elle montre que les protections en place n'ont pu empêcher l'urbanisation des zones inondables. L'augmentation des enjeux et la diminution de l'acceptabilité du risque ont même occulté une réduction de la vulnérabilité due à l'amélioration du bâti. Les recherches sur le risque inondation en Languedoc-Roussillon visent à apporter des éléments d'évaluation des mesures de gestion des risques. Il s'avère que la vision centrée sur la maîtrise de l'aléa perdure. Elle entraîne des dépenses coûteuses en protections structurelles. De plus, l'approche institutionnelle ou « top-down » de la prévention engendre des conflits et des mesures inadaptées au contexte méditerranéen. La prévention gagnerait à prendre en compte les spécificités des bassins versants méditerranéens pour rendre plus efficaces des mesures telles que le ralentissement dynamique, la réduction de la vulnérabilité ou l'alerte aux crues. Face au développement parfois désordonné ou inadapté de la prévention, le déficit d'évaluation est flagrant en France. Il tient d'une part à des blocages culturels et politiques mais aussi à un manque cruel de données. Ce travail propose quelques pistes en analysant des bases de données spécialement constituées sur les dommages et les victimes des inondations. Il revient aussi sur la reconstruction postcatastrophe, domaine de recherche peu exploré en France et pourtant riche d'enseignements.
L'article mesure d'abord l'étendue de la criminalité au Brésil, à prendre en compte dans toutes les problématiques de développement social, économique, éducatif et même environnemental de la huitième économie du monde. Puis il recherche les racines institutionnelles de la faillite sécuritaire : de multiples facteurs socio-économiques, raciaux, régionaux, géographiques, démographiques et culturels expliquent l'étonnante violence rencontrée au Brésil. Par ailleurs, la faillite du système pénitentiaire en fait un fournisseur de soldats des factions criminelles. L'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, dont la lutte contre l'insécurité était une des principales promesses de campagne, a été marquée par des succès relatifs, remis en cause par la crise sanitaire. Toutefois, quelques notes d'espoir sont notables.
Alors que le cyberespace est devenu un sujet incontournable des agendas diplomatiques internationaux, il existe peu d'études dédiées à l'analyse de l'adaptation des organisations internationales, et plus particulièrement européennes, à ce phénomène. Cet article propose ainsi une étude comparée des transformations bureaucratiques, institutionnelles et politiques de l'Otan et de l'Union européenne relatives à l'intégration des enjeux de cybersécurité et de cyberdéfense dans leurs missions. Le constat est mitigé, et si les deux institutions ont mis en place les moyens techniques et institutionnels nécessaires pour protéger leurs infrastructures et leurs réseaux, la coopération politique intergouvernementale se heurte au principe de souveraineté, limitant de facto la portée des actions de l'Otan comme de l'UE dans le domaine militaire.
Cet article interroge la portée stratégique du laboratoire perpignanais du Rassemblement national au regard de la vague RN aux élections présidentielles et aux législatives dans l'ancien Languedoc-Roussillon. Nous partons de l'hypothèse formulée par E. Négrier et J. Audemard que, dans l'ex-Languedoc-Roussillon, la stratégie du RN consiste désormais moins à consolider des territoires d'enracinement qu'à structurer des territoires d'établissement. Stratégie qui soulève de nombreuses interrogations quant à la portée effective du laboratoire perpignanais, aux formes d'adhésion au sein des différents territoires (urbain, périurbain, rural), à la banalisation du RN sur la scène institutionnelle et politique locale et régionale, aux compromis des élus LR et centristes mais aussi aux capacités et limites du RN à agir (base militante faible, appareil politique peu présent sur le territoire).
International audience ; In this article, the introduction of Short Rotation Coppices of Eucalyptus into specialized cash crop farming systems is analyzed at both individual and local scale. The area studied is located in Toulouse urban area, which raises the problem of competition between farming, forest and urban activities. A methodological framework is built up with two disciplinary approaches. In a first step, we assess the financial incentives and the possible transaction costs linked to the contracts offered by retailers to farmers, in order to encourage them to plant trees. In a second step, we propose to enlarge the analysis scale beyond the supply chain and to explore, with a mediation tool, the possible institutional arrangements, at local scale, that could diminish transaction costs and increase the acceptability of the plantation. ; L'article présente un travail de recherche visant à analyser les conditions d'insertion d'arbres d'eucalyptus en Taillis à Courte Rotation (TCR) au sein d'un canton périurbain de l'agglomération toulousaine (Rieumes). L'analyse porte plus particulièrement sur les modalités de diffusion de cette innovation technique dans le système de production agricole régional. Un dispositif méthodologique alliant deux entrées disciplinaires est formulé. En économie, une analyse des coûts et des contrats proposés aux planteurs est effectuée. Cette première approche permet d'évaluer le caractère incitatif de la plantation, moyennant soutien public, et d'apprécier si l'incertitude liée au choix de plantation est réduite par le contrat. En géographie, un travail de médiation territoriale permet de mettre en lumière les éléments du dispositif institutionnel en place autour de cette innovation, utilisant le paysage comme outil dialogue entre différents acteurs du territoire local (agriculteurs, élus, services de l'Etat…).
International audience ; In this article, the introduction of Short Rotation Coppices of Eucalyptus into specialized cash crop farming systems is analyzed at both individual and local scale. The area studied is located in Toulouse urban area, which raises the problem of competition between farming, forest and urban activities. A methodological framework is built up with two disciplinary approaches. In a first step, we assess the financial incentives and the possible transaction costs linked to the contracts offered by retailers to farmers, in order to encourage them to plant trees. In a second step, we propose to enlarge the analysis scale beyond the supply chain and to explore, with a mediation tool, the possible institutional arrangements, at local scale, that could diminish transaction costs and increase the acceptability of the plantation. ; L'article présente un travail de recherche visant à analyser les conditions d'insertion d'arbres d'eucalyptus en Taillis à Courte Rotation (TCR) au sein d'un canton périurbain de l'agglomération toulousaine (Rieumes). L'analyse porte plus particulièrement sur les modalités de diffusion de cette innovation technique dans le système de production agricole régional. Un dispositif méthodologique alliant deux entrées disciplinaires est formulé. En économie, une analyse des coûts et des contrats proposés aux planteurs est effectuée. Cette première approche permet d'évaluer le caractère incitatif de la plantation, moyennant soutien public, et d'apprécier si l'incertitude liée au choix de plantation est réduite par le contrat. En géographie, un travail de médiation territoriale permet de mettre en lumière les éléments du dispositif institutionnel en place autour de cette innovation, utilisant le paysage comme outil dialogue entre différents acteurs du territoire local (agriculteurs, élus, services de l'Etat…).
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 fait désormais du renseignement une fonction centrale et structurante de la défense et au-delà de la politique étrangère, qui s'accompagne de nombreuses innovations institutionnelles. On doit alors constater le caractère embryonnaire de ce que l'on pourrait appeler en France des « études sur le renseignement ». Le présent article se propose de présenter l'état actuel des études académiques sur le renseignement sur le plan national. Nous espérons montrer que plusieurs initiatives constituent l'embryon de recherches académiques sur lesquelles un « jeu d'hypothèses » pourrait désormais être proposé. Celui-ci pourrait, au-delà, permettre l'émergence d'un ensemble de paradigmes de recherche. L'enjeu est d'établir les conditions d'un dialogue entre le paradigme implicite, dominant en France, de la « culture du renseignement » et le paradigme fonctionnaliste dominant dans les recherches anglo-saxonnes.
En analysant la politique et les relations étrangères, de même que les représentations du Nigeria dans les domaines de la migration, de l'économie et du maintien de la paix, cet article pose la question de savoir si la démocratisation en cours donnera au Nigeria les moyens de s'affirmer comme une grande puissance africaine. Les conflits locaux débordant les frontières se nourrissent en premier lieu de déficiences institutionnelles de l'État nigérian. Tant que ces déficiences favorisent l'opacité et la corruption, dont plus d'une multinationale s'accommode, la population bénéficie peu des rapports économiques avec l'étranger et l'aspiration à un meilleur futur outre-mer reste largement partagée. On ne peut prédire quand les projets de pax nigeriana et de rayonnement économique gagneront en crédibilité, mais récemment plusieurs progrès en matière de gouvernance ont permis de surmonter des problèmes jusque-là attribués à la culture locale.
Territorial design and citizenship in the Italian State evolutions: some notes in historical istitutional perspectiveThe article considers the relationship between administrative districts and citizenship in Italy from an historical point of view. Since the founding of the national State, there has been a gap between the constitutional notion of territory, coming from revolutionary France, and a practice of citizenship, which was still predominantly local. The high investment on this level by the territorial actors made the issue of administrative boundaries politically sensitive. As governments also tended to use institutional geography in a political way, there prevailed a negotiating practice through which the communities tried to defend their position and if possible, to improve it, making this element a testing ground for citizenship. While the fascist regime manipulated the territorial fabric more freely, the Republic, long faithful to the pattern of a weak centralism, stimulated by the constitutional and by the European provisions, has recently adopted a non-hierarchical territorial design, intending to put the values of citizenship at the centre. The process, however, has entered a phase of stalemate, which does not yet allow to evaluate the effects of the paradigm change on the territorial design.Découpage territoriale et citoyenneté dans les parcours de l'État italien: quelque note en perspective d'histoire institutionnelL'article considère le rapport entre l'organisation de l'espace administratif et la citoyenneté en Italie en perspective historique. Depuis la fondation de l'État national, il y a eu un décalage entre la notion constitutionnelle de territoire, d'origine française, et la pratique d'une citoyenneté principalement fondée sur la dimension locale. L'investissement important sur ce plan des acteurs territoriaux a rendu la question des limites administratives, un sujet politiquement sensible. Vu que les gouvernements tendaient eux aussi à utiliser politiquement la géographie institutionnelle, une pratique de négociation a fini pour prévaloir, à travers laquelle les communautés essayèrent de défendre leur propre position et, si possible, l'améliorer, tout en rendant cet élément un terrain d'essai de la citoyenneté. Alors que le fascisme manipulait le découpage territorial 'plus librement', la République fut longtemps fidèle aux schémas du 'centralismefaible', stimulé par la dictée constitutionnelle et par les exigences européennes, elle a juste récemment adopté une conception non hiérarchique du territoire, qui a voulu mettre au centre les valeurs de la citoyenneté. Le processus se trouve cependant dans une phase d'arrêt, qui ne permet pas encore d'évaluer les retombées du changement de paradigme sur le découpage territorial.
Les enjeux environnementaux des aménagements hydroélectriques sur le cours principal du Mékong sont devenus un objet de débat important entre les pays riverains et les experts et activistes environnementaux, pour la plupart occidentaux. Sur le plan national, la question de la gestion très peu concertée des projets de barrages sur le cours principal du Mékong provoque bien dans la société civile une mobilisation, mais celle-ci ne débouche pas sur un fléchissement des politiques d'aménagement hydroélectrique. La faute en revient, d'une part, aux gouvernements qui, même sous pression, contrôlent sans partage la gestion des ressources du bassin et, d'autre part, à l'incapacité de la Commission du Mékong (MRC), malgré une légitimité institutionnelle, à développer un cadre juridique contraignant. Cela contribue à éroder progressivement la pertinence de la Commission aux yeux de ses membres, des bailleurs de fonds internationaux et de la Chine, qui propose désormais son propre modèle de coopération Sud-Sud, l'initiative de Coopération Lancang-Mékong (CLM).