National audience ; La dimension temporelle a longtemps été négligée par les chercheurs, les édiles et les aménageurs, bien qu'elle constitue un aspect essentiel de la dynamique urbaine. Peu de travaux en recherche urbaine ont encore été consacrés au temps, à la relation espace-temps et à ses représentations . Ce levier reste également assez rarement mobilisé dans l'action publique. Dans le domaine de l'aménagement, on a surtout organisé l'espace pour mieux utiliser le temps à l'image des autoroutes et des lignes TGV qui ont « rétréci » la France. La démarche inverse qui consiste à aménager le temps afin d'exercer un effet sur l'occupation de l'espace est moins courante. Un changement des horaires de travail dans une métropole permettrait pourtant de diminuer les embouteillages. La succession d'activités au cours de la journée ou de la semaine dans un même bâtiment ou quartier réduirait certainement la consommation d'espace. Une clé d'entrée prometteuse. Ce relatif manque d'intérêt est surprenant. Le temps est une clé d'entrée majeure pour la compréhension et la gestion des sociétés, un enjeu collectif essentiel pour les hommes, les organisations et les territoires en termes de dialogue sociétal, de développement durable et de qualité de la vie. Riche de promesses, la dimension s'invite désormais à l'agenda de la recherche et des politiques publiques. Il était temps.
International audience ; L'hypothèse explorée est celle d'une appropriation de plus en plus importante des espaces publics et des temps libres par l'économie de marché, les politiques publiques, le discours urbanistique, les usagers temporaires et les citoyens pouvant aboutir à la « saturation », prise au sens général du terme : « être saturé » ; « Être rempli, imprégné à l'excès (de quelque chose) ; « Être encombré de quelque chose au point de ne pouvoir l'absorber » ; « Être rassasié de ce dont on a eu en abondance ou écœuré par ce qu'on a dû subir de façon excessive ». La réflexion dépasse naturellement ici la seule question de l'encombrement spatial de l'espace public ou de la voierie par les visiteurs ou par les véhicules pour englober les discours, représentations, modes et nouvelles tendances de la fabrique métropolitaine et de l'habiter urbain.En ce sens ou plutôt en ces sens, la clé d'entrée de « l'appropriation » des espaces publics et des temps de la ville est intéressante pour penser la ville, les modes de vie et l'organisation des mondes contemporains . Le remplissage des espaces et des temps, l'arythmie et la saturation possible aux limites de l'écoeurement, sont d'autres manières d'aborder les mutations en cours, l'aménagement de nos villes et l'urbanisme et de repenser notre rapport à la consommation et aux usages.
International audience ; L'hypothèse explorée est celle d'une appropriation de plus en plus importante des espaces publics et des temps libres par l'économie de marché, les politiques publiques, le discours urbanistique, les usagers temporaires et les citoyens pouvant aboutir à la « saturation », prise au sens général du terme : « être saturé » ; « Être rempli, imprégné à l'excès (de quelque chose) ; « Être encombré de quelque chose au point de ne pouvoir l'absorber » ; « Être rassasié de ce dont on a eu en abondance ou écœuré par ce qu'on a dû subir de façon excessive ». La réflexion dépasse naturellement ici la seule question de l'encombrement spatial de l'espace public ou de la voierie par les visiteurs ou par les véhicules pour englober les discours, représentations, modes et nouvelles tendances de la fabrique métropolitaine et de l'habiter urbain.En ce sens ou plutôt en ces sens, la clé d'entrée de « l'appropriation » des espaces publics et des temps de la ville est intéressante pour penser la ville, les modes de vie et l'organisation des mondes contemporains . Le remplissage des espaces et des temps, l'arythmie et la saturation possible aux limites de l'écoeurement, sont d'autres manières d'aborder les mutations en cours, l'aménagement de nos villes et l'urbanisme et de repenser notre rapport à la consommation et aux usages.
International audience ; Dimension longtemps oubliée de la ville, la nuit métropolitaine ne doit plus être perçue comme un repoussoir, un espace-temps livré aux représentations et aux fantasmes mais comme un formidable enjeu, un lieu de ressourcement et d'invention, un territoire de projet, une dernière frontière pour la ville et l'homme du XXième siècle. L'avenir de métropoles comme Paris se joue aussi au-delà des limites du périphérique et de la frontière du jour. il est possible de dépasser les bornes, pour s'aventurer hors les murs et au-delà du jour, développer une politique publique de la nuit et esquisser les formes d'une "métropole augmentée". La pulsation métropolitaine est la bonne échelle pour penser les questions de mobilité, d'aménagement, de développement et de solidarité et la nuit est l'espace-temps rêvé pour éprouver la ville, ré-enchanter l'urbanisme, expérimenter à partir d'une plateforme d'innovation partenariale et imaginer un développement soutenable de la métropole 24h/24.
Les situations de catastrophes sont de plus en plus fréquentes. Leurs conséquences sur les populations et sur les établissements humains s'aggravent de manière alarmante. La thèse développe une approche novatrice permettant de réexaminer les politiques traditionnelles en matière de secours et d'aide à la reconstruction. Elle postule l'indispensable contribution de l'urbanisme aux premiers gestes de la reconstruction et élabore une nouvelle méthode urbanistique s'y rapportant : la trousse "urbanitaire". La méthode repose sur la définition progressive d'un projet spatial et fonctionnel des établissements humains - à construire, aménager, reconstruire - établi au travers de scénarios, évalués sur la base d'indicateurs mesurant leur niveau de "durabilité". Ce projet se formalise dans un plan directeur et dans un rapport fixant les objectifs d'intérêts publics et les règles de gouvernance. Elle comble les écarts spatiaux (constructions ponctuelles / organisation spatiale globale), temporels (urgence / long terme) sociologiques (acteurs externes / population locale).
International audience ; This article presents part of results obtained from an integrated land use and transport regional modeling, using the simulation software Tranus. Specifically, this research aimed to analyze effects of a regional Transit Oriented Development plan, applied to the French region of Nord-Pas-de-Calais, with reference to the evolution of modal share between private car and public transport and of residential and activity location dynamics.In particular the model has provided results that show the existence of a system of mutual interdependence in transport modal share evolution. This interaction entails the activation of a substitution effect in transport demand distribution, as a consequence of the application of interventions discouraging car use and reinforcing public transport supply performance. Furthermore we also observed some evidences referable to a process proper of the physical principle of communicating vessels. In particular the increase over simulation times of modal share related to public transport, resulting in the application of TOD policies, produces in some zones of the model, a progressive desaturation and decongestion of the road network and therefore a gradual return of attractiveness for private cars. This phenomenon of communicating vessels related to transport demand evolution, indicates the presence of a permanent state of tension in modal share, depending on some particular factors (segment of demand; temporal and territorial context; structure of transport network) and generally tending to a temporary equilibrium.These results invite therefore to observe how policies that promote and encourage the use of public transport may have, in some particular contexts, controversial effects and sometimes contrary to expectations, especially in the long term.The article explains the principles behind the research that have allowed achieving these results, analyzing causes and consequences related to the observation of the phenomenon of communicating vessels applied to dynamics of mobility and transport. ; Cet article présente une partie des résultats obtenus à partir d'une modélisation intégrée d'usage du sol et des transports à l'échelle d'une région, en utilisant le logiciel de simulation Tranus. Plus précisément, le travail visait à analyser les effets d'un plan régional de Transit Oriented Development, appliqué à la région française du Nord-Pas-de-Calais, en référence à l'évolution de la répartition modale entre voiture privée et transports en commun et des dynamiques de localisation résidentielle et des activités. En particulier, le modèle donne des résultats qui montrent l'existence d'un système d'interdépendance mutuelle dans l'évolution des parts modales. Cette interaction entraîne l'activation d'un effet de substitution dans la distribution de la demande de transport, comme conséquence de l'application d'interventions défavorables à l'utilisation des voitures et de renforcement des performances relatives à l'offre de transport en commun. En outre nous avons observé quelques évidences attribuables à un processus correspondant au principe des vases communicants. En particulier à la fin de la simulation l'augmentation de la part modale liée aux transports en commun, résultant de l'application des politiques de TOD, a produit dans certaines zones du modèle, une désaturation et décongestion progressive du réseau routier et donc un retour progressif d'attractivité pour la voiture. Ce phénomène de vases communicants lié à l'évolution de la demande de transport, indique la présence d'un état de tension permanente dans le processus de répartition modale, qui se révèle en fonction de certains facteurs particuliers (segments de demande concernés; contexte temporel et territorial; structure du réseau de transport) et généralement tendant à un équilibre temporaire. Ces résultats démontrent la pertinence du modèle implémenté et sa capacité de reproduire des dynamiques complexes ; en invitant également à observer comment des politiques qu'encouragent l'utilisation des transports en commun peuvent avoir, dans certains contextes particuliers, des effets controversés et parfois contraires aux attentes, en particulier dans le long terme. L'article explique les principes à la base de la recherche, qui ont permis ces résultats, en analysant les causes et les conséquences relatives à l'observation du phénomène de vases communicants appliqué aux dynamiques de mobilité et transports.
The multiplication of environmental degradations in the end of the 1960's has led to growing criticisms about the industrial development path. It is precisely in this context of conflict between environment and development concerns that the notion of sustainable development has progressively emerged. From that point of view we can reread the history of sustainable development through the framework of negotiation theory, and thus consider this concept as a trial of reconciliation between these two preoccupations - a kind of "win-win" approach between environmental protection and socio-economic development. But if sustainable development can be considered as the result of such an international cooperative approach, it is important then to notice that the following phase of appropriation (by different kinds of stakeholders) seems to be more competitive : states, companies, NGO, local authorities, economists or ecologists nowadays refer to the notion of "sustainable development". without referring to the same definition of the notion. Debates about "weak" and "strong" sustainability give us a good illustration of that "fight for appropriation". This competitive context is fundamental to understand the question of sustainable development evaluation methods and indicators : such normative tools indeed offer a strong capacity of appropriation, as they oblige to make "rigid" a concept often considered as "soft". These tools thus appear as deeply embedded in a debate that is, in the same time, both technical and ideological (Chapter 1). At the local level, in the specific field of urbanism and urban planning, it is interesting to notice that the notion of sustainable city, as well as the one of sustainable development, has progressively emerged after the rise of criticisms (led by the urban ecology movement) of the modern city model (Athens Charter). Sustainable city (Aalborg Charter) can thus be seen as a trial of reconciliation between both the modern city and the ecological city models (Chapter 2). Due to their capacity of making the concept rigid, evaluation methods and tools elaborated at the local level in cities in France and Switzerland permit us to better understand what local authorities precisely mean by sustainable development. The study of these tools thus makes it possible for us to confirm the tendency of local authorities to use sustainable development as a way to conciliate diverging interests at the local level. The question of future generations and other territories' interests seems to be more difficult to tackle (Chapter 3). Studying the contexts in which these tools have been used and designed leads us to the following conclusion : sustainable development seems to be often considered as a technical matter, delegated from the people's representatives (the elected) to the local authorities' operational and technical staff ; these latter then has to tend to make "as sustainable as possible" political decisions, afterwards. Such evaluation tools thus fail to make sustainable development matters a leading guideline in the political decision making process (Chapter 4). Our case study, the Greater Lyon, in France, permits us to validate several of the hypothesis and conclusions above mentioned (Chapter 5). In the end, the difficulty of tackling sustainable development matters at the local political and administrative levels obliges us to question the ability of representative democratic systems to tackle these new concerns. In particular, sustainability obliges us to broaden the concept of public interest, both in time and spatial dimensions. By introducing the interests of non-represented people (future generations and other territories' inhabitants) in the usual representative system, sustainability seems to question the fundamental basis of modern democracies. ; C'est dans le contexte international d'emergence d'un conflit entre les préoccupations d'environnement et de développement que la notion de développement durable est apparue. L'histoire de ce concept peut ainsi être relue à travers le prisme des théories de la négociation : le développement durable nous apparaît alors comme la tentative de formulation, au plus haut niveau international, d'une valeur nouvelle dont l'objet serait la réconciliation entre des exigences de protection de l'environnement et de développement socio-économique (équivalant à ce que les théoriciens de la négociation appellent une approche gagnant-gagnant, ou un jeu à somme positive, entre environnement et développement). Mais s'il apparaît que le concept de développement durable a effectivement été construit dans une logique coopérative, force est de constater que, tant au niveau local que global, l'appropriation du développement durable par les différents acteurs revêt toutes les formes d'une appropriation compétitive : Etats, entreprises, ONG, collectivités locales, économistes ou écologistes se réclament aujourd'hui du développement durable sans pour autant en donner une définition et un contenu identiques. Les débats sur la soutenabilité ± faible (approche néoclassique) ou ± forte (approche écosystémique) illustrent bien cette lutte d'appropriation . C'est précisément dans ce contexte conflictuel qu'il convient de mettre en perspective la question de l'évaluation du développement durable. En effet, ces démarches normatives disposent d'un fort pouvoir d'appropriation en cela qu'elles permettent de rigidifier un concept souvent considéré comme mou . Elles sont, de ce fait, au cœur d'un débat à la fois technique et idéologique fort. Au niveau local, et concernant plus particulièrement les domaines de l'urbanisme, il est intéressant de constater qu'un même schéma s'est dessiné : la notion de ville durable a émergé elle aussi dans le contexte d'une remise en cause par les mouvements de l'ecologie urbaine de la pensée urbanistique moderne. De la même manière que le développement durable est apparu comme une tentative de réconciliation entre environnement et développement, la ville durable semble progressivement se dessiner sous les contours d'une alternative entre la ville écologique (utopique) et la ville moderne, voire sur-moderne (bien réelle). Du fait de leur capacité d'appropriation, certains outils d'évaluation développés par des collectivités locales nous permettent ainsi de cerner ce que les acteurs publics locaux entendent précisément par développement durable ; leur analyse tend à confirmer la tendance des acteurs publics à se servir du développement durable comme élément de conciliation interne entre des intérêts parfois divergents. La question de la prise en compte des intérêts des générations futures et des autres territoires semble par contre plus difficile à appréhender. L'analyse, dans un seconde temps, des contextes dans lesquels ces outils sont généralement utilisés et développés montre par ailleurs un phénomène intéressant : le développement durable est le plus souvent considéré comme une approche technique, déléguée par le politique aux services opérationnels, qui sont alors chargés a posteriori de rendre durables les décisions prises. Ces grilles de questionnement ou d'analyse des projets butent ainsi sur le problème de la prise en compte des préoccupations du développement durable au plus haut niveau des prises de décision : le niveau politique. létude plus spécifique du cas de la Communauté urbaine de Lyon permet de valider certaines de ces hypothèses. Au final, la difficulté d'appréhension de certains enjeux du développement durable par les sphères politiques et administratives interroge sur la capacité des systèmes démocratiques à répondre à ces nouveaux problèmes. La durabilité, en particulier, semble devoir faire éclater le cadre spatial et temporel dans lequel a traditionnellement été défini l'intérêt général. En imposant d'introduire dans la définition de cet intérêt général la prise en compte des intérêts de nouveaux acteurs non représentés (générations futures, autres territoires), la durabilité ne finit-elle pas par questionner les bases mêmes du fonctionnement des démocraties modernes ?
If the expression new town is no longer in vogue in the discourse on urban policies ofwestern countries, the reverse is true in the case of countries with strong economic growth and/orthose called South countries. For twenty years, for reasons of various orders ads projects "new towns"are legion. In this profusion, Algeria and Morocco are no exception. In the mid-2000s, the moroccanministry for town planning and housing announced the implementation of a program of "new towns"cash fifteen projects including one called Tamansourt, located in the outskirts of Marrakech. InAlgeria, in 1987, the National planning scheme recommends the creation of new towns in the HautsPlateaux and South. Meanwhile, "new towns", local emanation are launched, that is the case of AliMendjeli, near Constantine. Starting from the premise that the concept of new town " exceeded ˮ, wequestion the reasons prompting the algerian and moroccan public action to still be seized . Why dogovernments continue to use this type of development policy? This first question leads to two othercomplementary policies: how are they conducted and what are their territorial effects ? According toour first hypothesis , the performative and iconic efficiencies that intellectual representation, overtheir feasibility that have guided these options. Our second hypothesis is that there was nocapitalization of foreign experiences in the context of redefining and adapting the concept. Studiedacting arrangements do not fall under the urban planning or urban planning project , this statement isour third hypothesis. Our fourth hypothesis is that these actions are vectors more or less powerfulreterritorialisation the outskirts of Constantine and Marrakech. It will check whether the emergenceof centralities and/or new urban margins is observable. We want to verify the idea of the existence ofa wide gap between the "new town" ideational , that the project leader, and the "new town" lived ,that is to say that the inhabitants of daily life. ; C'est depuis peu, selon une échelle de temps urbanistique, que les pouvoirs publics algériens et marocains ont engagé la réalisation de projets d'aménagement dits de « villes nouvelles », dans les périphéries de grandes villes maghrébines. C'est notamment le cas en Algérie, près de Constantine, avec le projet d'Ali Mendjeli lancé en 1993, et au Maroc avec celui de Tamansourt, amorcé en 2004 à proximité de Marrakech.Un bilan détaillé des publications scientifiques portant sur les divers essais d'application de ce type de politique menés ailleurs et antérieurement (Brésil, France, Grande Bretagne, Égypte, Finlande, Japon, ex-URSS, etc.), montre que la ville nouvelle, en tant qu'outil d'aménagement du territoire et d'urbanisme, est un objet polémique qui attise à la fois la critique et la fascination, une pratique urbanistique qui a ses tenants et ses opposants. Partant de cette observation notre thèse cherche à éclairer les motifs qui sous-tendent la mise en œuvre de telles politiques dans des territoires jusqu'alors non-concernés par la doxa ville nouvelle. À ce premier questionnement s'en ajoutent deux autres : selon quelles modalités sont menées ces politiques et quels sont leurs aboutissements territoriaux actuels ? Notre recherche doctorale permet de vérifier les hypothèses suivantes :1. Un usage éminemment performatif de la terminologie « ville nouvelle »Les projets d'aménagement d'Ali Mendjeli et de Tamansourt ont été officiellement labellisés « villes nouvelles » en vue de la charge symbolique et émotionnelle véhiculée par cette appellation et non pour le réalisme opérationnel afférant à un tel énoncé. Il est démontré que ces projets sont incompatibles avec l'idée communément admise, par les chercheurs et praticiens en urbanisme ou en aménagement du territoire, de ce qu'est une ville nouvelle – ce que, pour notre part, nous dénommons le concept de ville nouvelle. Si, toutefois, les actions spatiales étudiées peuvent correspondre à ce concept, c'est essentiellement à travers les discours de mise en valeur et de légitimation, autrement dit à travers la communication et le marketing de projet. La faiblesse des moyens financiers, institutionnels, économiques, législatifs et politiques développés par les gouvernements au regard de telles ambitions socio-spatiales, témoigne de cette inadéquation. Il ressort que ces « villes nouvelles » sont davantage guidées par des opportunismes fonciers et immobiliers.L'hypothèse d'un usage de ce terme plus pour sa forme que son contenu est validée par le vide théorique des options d'aménagement qui ont présidé à leur création. Il n'y a pas eu de capitalisation des expériences étrangères, ni dans la perspective d'actualiser un modèle opératoire ayant connu ses principaux développements entre les années 1950 et 1970, ni en vue d'une prise en compte des spécificités territoriales algériennes et marocaines quant à l'implémentation de tels projets. Il est mis en évidence l'insuffisance, tant quantitative que qualitative, des représentations conceptualisées consignées dans les documents spécifiquement consacrés aux projets (rapports, études de faisabilité).2. Des villes nouvelles en tant qu'aménagement hybrideLes modalités décisionnelles de ces projets, qu'elles concernent leur mise en œuvre ou leur maîtrise d'ouvrage, révèlent des permanences mais aussi des ruptures dans les logiques de l'action publique urbaine algérienne et marocaine. Bien qu'ils possèdent chacun leur singularité, les projets d'Ali Mendjeli et de Tamansourt s'inscrivent tous les deux dans une logique de projet. Ils ne relèvent pleinement ni de la planification urbaine, au sens d'un « urbanisme de plan-masse » (Lacaze, 1995), ni du projet urbain tel qu'on peut le connaître au nord de la Méditerranée. Toutefois, certaines composantes relatives à ces deux logiques sont employées par les porteurs des projets. C'est pourquoi nous qualifions les modalités d'agir qu'ils expriment d'« aménagement de l'entre-deux » ou encore d'aménagement hybride, au sens d'un aménagement qui « n'appartient à aucun type, genre, style particulier, [mais] est bizarrement composé d'éléments divers » (CNRTL, CNRS, 2014).3. Des projets vecteurs de reterritorialisation de périphéries de grandes villes maghrébinesLes effets territoriaux de ces projets sont multiples. En premier lieu, ils participent d'une redistribution spatiale de la population à l'échelle des agglomérations qui n'est pas anodine. Par ailleurs, ces politiques d'aménagement génèrent autant de nouvelles centralités que la relocalisation et la recomposition de nouvelles marges urbaines : des urbanités peinent à s'y développer.L'entrée par l'analyse de la reterritorialisation, en confrontant les villes nouvelles idéelles – pour ne pas dire « idéales » –, c'est-à-dire celles des porteurs de projets, et celles vécues, c'est-à-dire représentées, pratiquées et appropriées par certains de leurs habitants, met en évidence de fortes distorsions entre les deux. L'étude des espaces vécus de villes nouvelles réelles permet d'apprécier le passage de la performativité potentielle à la performance avérée ou la performativité réalisée effective (Lussault, 1997). Ces projets bouleversent de ce fait les territoires péri-urbains selon une acception politico-administrative. Ils mettent en question les modalités de gouvernance territoriale des espaces dans lesquels ils s'inscrivent à travers son caractère conflictuel.4. Des projets singuliers malgré un label communLes projets d'Ali Mendjeli et de Tamansourt, l'un algérien et l'autre marocain, concordent avec les trois propositions précédentes du fait de caractéristiques convergentes : dimension conflictuelle du projet durant toutes ses temporalités, conception évolutive, introduction dans les systèmes d'action d'acteurs privés, influence forte du pouvoir central et déconcentré, etc. Néanmoins, en dépit d'une appellation identique et de certaines composantes relativement similaires, ces projets présentent aussi des différences structurelles fondamentales. L'une des caractéristiques de cette thèse tient dans le fait de ne pas lisser ces contrastes, d'autant que ceux-ci ne vont pas à l'encontre des trois affirmations ci-dessus, mais permettent au contraire de les affiner.Ainsi, la thèse de l'aménagement hybride doit être pondérée dans la mesure où le cas marocain indique une plus grande inclination vers l'urbanisme de projet que l'algérien. Le contexte d'autorisation des projets indique que s'il est fait recours à l'urbanisme réglementaire, c'est pour l'essentiel à des fins de justification et/ou de légitimation du projet. L'utilisation des plans est révélatrice d'un usage de la logique d'urbanisme de projet loin d'être consommé. Le rôle toujours prédominant des acteurs déconcentrés et non décentralisés, plus précisément des walis, l'atteste aussi. Toutefois, le canal d'autorisation du projet de Tamansourt, qui dénote un caractère essentiellement commercial et d'investissement, s'approche d'une certaine définition du projet urbain. La « ville nouvelle » de Tamansourt peut être considérée comme un ensemble résidentiel à vendre qui s'insère dans une démarche économique libérale. En outre, l'ouverture significative de la maîtrise d'ouvrage de la ville nouvelle marocaine, via des partenariats public-privé, à des promoteurs immobiliers d'envergure nationale voire internationale, est un indicateur supplémentaire d'une démarche s'inscrivant dans une logique de projet. De plus, toujours pour ce cas, la mise en image très soutenue de l'action, dans des visées de valorisation et de communication, l'asseoit d'avantage dans cette logique. Ainsi, et toujours plus particulièrement pour le cas de Tamansourt, nos analyses confirment l'une des propositions du programme de recherche « Faire la ville en périphérie(s) ? au Maghreb » (Signoles [dir.], 2006-2009), selon laquelle : « Si on prend en considération l'importance attribuée à la médiatisation des mégaprojets maghrébins, leur mise en image peut se substituer carrément au projet lui-même. […] Peut se créer ainsi une sorte d'effet mirage des grands projets des métropoles maghrébines du XXIe siècle, lesquelles semblent s'engouffrer dans une voie où la confusion risque de s'établir entre les possibilités réelles et concrètes d'aménagement et le rêve virtuel des images en 3D ». À défaut de ville-mirage, la ville nouvelle de Tamansourt est dénommée ville-fantôme par une partie de ses habitants…10L'état de territorialisation des projets présente aussi des différences. Il ressort que l'espace d'Ali Mendjeli s'est constitué en plusieurs étapes qui ont vu se succéder différents processus : marginalisation-démarginalisation-développement de centralités-émergence d'urbanités. Mais au bout du compte, en 2014, la ville nouvelle d'Ali Mendjeli possède une réalité urbaine certaine, ce qui n'est pas le cas de celle de Tamansourt, laquelle constitue plutôt une nouvelle marge périphérique de Marrakech. Si le facteur temporel, c'est-à-dire le décalage de dix années qui sépare le lancement de chacun des deux projets, peut expliquer en partie cette différence, d'autres facteurs interviennent : l'économie de rente permet à l'État algérien de subventionner la production de logements sociaux en très grand nombre, ainsi que la réalisation d'équipements – dont certains de rayonnement régional, voire national –, ce qui contribue efficacement à l'attractivité de la ville nouvelle d'Ali Mendjeli, au développement de sentiments d'appartenances territoriales ainsi qu'à la cristallisation d'urbanités d'un ordre nouveau, ces deux caractéristiques n'étant pas sans rappeler l'idée de ville émergente (Chalas, 1997).5 D'un point de vue méthodologique, l'une des ambitions de cette thèse réside dans sa manière d'envisager la comparaison. A priori, les projets d'Ali Mendjeli et de Tamansourt disposent de caractéristiques communes : localisation dans la périphérie d'une métropole régionale intérieure maghrébine, qualification homonyme, projections. Toutefois, des différences tant contextuelles et substantielles ont été anticipées : économie de rente fortement centralisée versus économie libérale, concentration du pouvoir politique versus mouvement de décentralisation, etc. Cela nous a conduit à mener une forme de regard croisé, plus qu'une comparaison stricto sensu, c'est-à-dire termes à termes. Notre approche ressort d'une mise en perspective de la déconstruction et des effets territoriaux de ces actions d'aménagement. En fonction d'entrées analytiques communes (genèse, maitrise d'ouvrage urbaines, effets territoriaux), le cas de Tamansourt éclaire d'avantage celui d'Ali Mendjeli et inversement : « Il s'agit de procéder à une réflexion qui va et vient de l'un à l'autre » (Gervais-Lambony, 2003).6 Privilégiant une démarche pragmatique et critique, s'appuyant sur des données qualitatives, ce travail mobilise les outils théoriques du système d'action (Crozier, Friedberg, 1977), de la justification (Boltanski, Thévenot, 1991), de la sociologie de l'émancipation (Boltanski, 2009) et de la géographie sociale (Di Méo, 1991). Les méthodes d'enquêtes employées comprennent de nombreuses observations in situ échelonnées entre 2007 et 2010 ; une centaine entretiens semi-directifs avec des acteurs variés (opérateurs public de l'habitat régionaux, collectivités locales, services déconcentrés, départements ministériels, habitants) ; la collecte de documents de types divers (études d'aménagement et documents de planification, rapports et notes internes, contrats de PPP, plans, cartes schémas, plaquettes promotionnelles, etc.). Enfin nos résultats s'appuient sur des séjours qui m'ont conduit à résider plus d'un mois dans chaque ville nouvelle, afin d'apprécier les centralités et urbanités potentielles de ces espaces de villes nouvelles, en y vivant au quotidien et au plus proche de leurs habitants.