Ce volume rassemble les contributions présentées lors de la première journée de réflexion organisée par la commission d'éthique de la recherche de la Faculté des sciences de la société en février 2017. Cette journée visait à développer et renforcer une sensibilité aux questions d'éthique parmi les chercheur.euse.s affilié.e.s à la faculté, mais aussi à contribuer au développement de compétences pratiques et adaptées aux besoins des chercheur.euse.s en sciences sociales. Mettant en évidence les tensions existant entre une éthique standardisée et la diversité des démarches de recherche adoptées en sciences sociales, ces contributions invitent à réfléchir aux enjeux éthiques se déclinant à toutes les étapes de la recherche. Suite à une conférence d'ouverture appelant à une éthique située, ancrée dans les contextes sociaux, politiques et économiques de la recherche, trois ateliers thématiques ont été organisés autour des propositions formulées en réponse à l'appel à contributions lancé par la commission. Le premier atelier rend compte des questionnements générés par la soumission de protocoles de recherche auprès de comités d'éthique à orientation biomédicale, lesquelles encadrent aujourd'hui un certain nombre de travaux en sciences sociales. Le deuxième atelier a porté sur les enjeux des méthodes visuelles, pour lesquelles questions éthiques et juridiques s'entremêlent autour de l'utilisation des images. Le troisième atelier a quant à lui abordé les rapports de pouvoir – ascendants ou descendants – entre chercheur.euse.s et enquêté.e.s, invitant à privilégier des dispositifs de recherche participatifs, susceptibles de réduire de tels rapports de domination. Ces contributions balisent un champ de réflexion qui se développe au-delà de notre faculté tout en aidant à définir les différentes fonctions que peut remplir sa commission d'éthique de la recherche.
Comment comprendre les conduites addictives à travers le regard des sciences sociales? Comment rapprocher monde académique et monde professionnel? À la suite du colloque anniversaire des 50 ans du GREA consacré à ces questions qui s'est tenu du 11 au 13 novembre 2014, cette édition réunit les différents textes présentés au cours de ces trois journées. Dans une perspective pluridisciplinaire, les articles questionnent les drogues du point de vue de l'individu, du corps social, des politiques publiques ou des professionnels. En fil rouge, la question posée à travers ce recueil de textes est «où en sommes-nous dans les connaissances liées aux drogues et à leurs usages, et qu'en faisons-nous?».
L'ampleur et la persistance des inégalités sociales face à la santé interpellent, en particulier dans les pays à revenu élevé. Alors que, dans ces contextes, la santé de la population est en constante amélioration, d'importants écarts persistent entre groupes sociaux. Les analyses empiriques menées en Suisse soulignent combien les conditions sociales, familiales et économiques influencent les chances d'être en bonne santé. Par ailleurs, la perspective du parcours de vie apporte un éclairage supplémentaire permettant d'étudier les trajectoires des individus, issues des interactions entre situation familiale, vie professionnelle et état de santé. Enfin, les analyses longitudinales révèlent l'importance du contexte social, dont l'évolution au fil du temps non seulement affecte les conditions socio-économiques dans lesquelles vivent les cohortes successives, mais également leurs attentes et aspirations. En dépit de la force des constats empiriques, il faut souligner qu'en Suisse, comme ailleurs, les inégalités sociales face à la santé restent encore peu prises en compte. Or, leur meilleure considération dans les politiques publiques pourrait non seulement contribuer à réduire la vulnérabilité de certaines catégories sociales, mais aussi améliorer pour tous les chances de vieillir en bonne santé.
Using individual-level data from the 2010 wave of the European Working Conditions Survey (EWCS), and country-level data on unemployment, employment protection legislation and union density for 21 European countries, this paper provides a comprehensive multi-level analysis of the determinants of indefinite employment contracts. The authors find that workers' autonomy on the job, the intensity of computer use, and the presence of general and specific skills are associated with greater contract security. Perhaps more importantly, the authors find a strong negative effect of unemployment, particularly on workers cumulating multiple sources of labor market vulnerability, such as young age, low skill, low autonomy, and immigrant status, especially but not exclusively in the Mediterranean countries most affected by the crisis.
Every gesture of the daily life of an individual is structured by a series of social constraints leading it to conform to an existing social order. This Sociograph examines how the most intimate of these aspects, the way an individual thinks, is socially framed. Using the data of the Swiss Household Panel, the work analyzes to what extent the fact of becoming a union member is capable of influencing a series of job, political and social attitudes. After a brief characterization of the Swiss union landscape and an analysis of the declining trend of union density in Switzerland, the reader is led to consider the methodological issues to take into account when trying to tease out causal effects from observational data. By exploiting the advantages of a panel data approach, the results reveal whether the attitudinal differences existing between union members and non-members can be traced back to a causal effect of union membership or whether they are to be attributed to pre-existing differences between the two groups. If a causal effect of union membership is indeed there, it is shown that the nature of the mechanisms explaining its appearance varies according to the sector of activity, to the profile of the individual and to the attitude taken into account.
La présente recherche a été initiée par le Décanat de la Faculté des Sciences de la Société (SdS). Elle vise à éclairer les débouchés vers lesquels mènent les formations que la Faculté propose. Sur la base d'une enquête en ligne à laquelle plus de 1'500 anciens diplômés ont répondu, elle amène des éléments de réponse à plusieurs questions importantes: quels emplois occupent aujourd'hui les anciens diplômés de la Faculté, par quelles expériences professionalisantes sont-ils passés dans leurs parcours (stages, séjours à l'étranger, emplois à durée déterminée), quelles satisfactions et insatisfactions génèrent ces parcours? Les résultats de l'enquête, menée par une équipe de l'Institut de recherches sociologiques, témoignent du fait que, loin des considérations inquiètes apparaissant ponctuellement dans l'espace médiatique et politique à propos des débouchés des études universitaires, les diplômés en sciences sociales occupent aujourd'hui dans leur grande majorité des emplois dont ils sont largement satisfaits. Les diplômes en sciences sociales proposent un socle solide sur lequel construire une insertion professionnelle; ils ouvrent également la voie à de nombreuses possibilités de spécialisation, voire de réorientation professionnelle.
Depuis des années, les experts et expertes ont débattu des méthodes appropriées pour pouvoir évaluer la dangerosité des anciennes et des nouvelles substances psychoactives. Ceci dans le but de rectifier la politique drogue de manière à ne pas laisser prédominer des critères moraux, politico-idéologiques ou économiques sur la régulation de certaines substances, mais bien plutôt des critères rationnels, scientifiques et étayés sur des éléments de preuve. Dans ce texte, ces discussions sont analysées de façon critique. Un commentaire à leur sujet est également fourni par Pascal Strupler, directeur de l'Office fédéral de la santé publique, Toni Berthel, Astrid Wühtrich et Silvia Gallego pour le compte de la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues (CFLD). En annexe, vous trouverez les recommandations de la CFLD au sujet de ce rapport.
Seit Jahren debattieren Expertinnen und Experten über die richtigen Methoden, um die Gefährlichkeit alter und neuer psychoaktiver Substanzen abschätzen zu können. Dies mit dem Ziel, die Drogenpolitik so auszurichten, dass nicht moralische, politisch-ideologische oder ökonomische Kriterien für die Regulierung gewisser Substanzen ausschlaggebend sind, sondern rationale, wissenschaftliche und evidenzbasierte Kriterien. In diesem Text werden diese Debatten kritisch analysiert. Einen Kommentar dazu liefern Pascal Strupler, Direktor des Bundesamts für Gesundheit, Toni Berthel, Astrid Wühtrich und Silvia Gallego von Seiten der Eidgenössischen Kommission für Drogenfragen (EKDF). Im Anhang finden sich die Empfehlungen der EKDF zum Bericht.
Cette étude qualitative sur le sentiment d'insécurité des personnes âgées a été réalisée sur mandat de la Police cantonale genevoise. Visant à mesurer la perception par les aînés euxmêmes des risques auxquels ils sont exposés dans leur vie quotidienne, elle poursuit les objectifs suivants : (1) cartographier les risques ressentis par la population âgée, dans ses propres termes, (2) comprendre les stratégies développées par les aînés pour faire face à l'insécurité et (3) mettre en avant leurs besoins en matière de politiques de sécurité. Une cinquantaine d'entretiens semi-directifs a été menée auprès de personnes âgées de plus de 70 ans vivant à domicile. La population étudiée est diversifiée en matière de niveau socioéconomique, d'intégration sociale et d'état de santé. Les résultats soulignent que le sentiment de sécurité prévaut dans l'espace privé. Cependant, les transformations de l'environnement immédiat – par exemple les personnes âgées qui décèdent ou quittent l'immeuble, les nouveaux locataires ou sous-locataires auxquels il faut s'habituer – génèrent un certain malaise. Les réactions face aux intrusions dans l'espace du domicile, que ce soit les personnes qui sonnent à la porte ou les téléphones de démarchage, sont diverses. Mais globalement les personnes rencontrées ont rendu compte de leur capacité à se protéger des intrusions indésirées, que ce soit en renforçant la sécurité de la porte du logement, ou en filtrant les appels téléphoniques. Par ailleurs l'espace intermédiaire de l'immeuble et du quartier est le plus souvent vécu comme pourvoyeur de moments conviviaux et surtout de ressources en cas de besoin. Les relations de voisinage décrites suggèrent que le tissu social est encore vivace et que les échanges entre voisins sont bien réels. La figure du concierge de l'immeuble a été évoquée à de nombreuses reprises, en termes de relais crucial pour la population âgée. Concernant l'espace public, les personnes interrogées expliquent longuement comment elles déploient des mesures de protection leur permettant de faire face à leur fragilité croissante en raison de l'âge. Ainsi les difficultés associées à une santé déclinante, les craintes liées aux déplacements et les préoccupations relatives à la criminalité sont souvent entremêlées dans leurs discours. Ayant conscience de leurs propres limites, elles adaptent leurs pratiques en vue de limiter les risques, parmi lesquels la crainte de la chute et de ses conséquences s'avère souvent plus saillante que la crainte d'être victime d'actes malveillants. La nuit cristallise sans conteste le sentiment d'insécurité : c'est le domaine dans lequel se font le plus de renoncements, les sorties après la tombée du jour devenant exceptionnelles. Les entretiens documentent avec beaucoup de finesse la tension existant chez les personnes rencontrées entre, d'une part, la volonté de ne pas devenir des victimes potentielles devant constamment avoir peur et, d'autre part, leur conscience des changements associés au vieillissement, en particulier leur fragilité croissante. En fin de compte, leurs propos 8 suggèrent que l'insécurité est d'abord la conséquence de la vulnérabilité individuelle, et subsidiairement le résultat d'un environnement social menaçant. En matière de mesures préventives, les moyens plébiscités sont ceux permettant d'entretenir la familiarité de l'environnement, avec la présence d'un concierge dans l'immeuble et la présence d'une police de proximité qui rassure dans le quartier. Le souhait de relations harmonieuses entre les générations est également exprimé, notamment avec les jeunes qui, parfois, dérangent la tranquillité de l'immeuble ou représentent une menace lors des déplacements. En fin de compte, les constats de cette étude relativisent les représentations communes de l'insécurité des personnes âgées, alimentées par les résultats des études quantitatives sur le sentiment d'insécurité. Les résultats de notre étude qualitative, permettant d'appréhender le vécu des aînés dans ce domaine de leur point de vue, montrent à quel point ceux-ci s'efforcent de maintenir une certaine familiarité avec leur environnement et ainsi de rester acteurs de leur vie.
On 30 July 1965 the Federal Chancellery witnessed its first popular initiative against foreign infiltration, which garnered 60,000 signatories and received backing from Zurich's Democratic Party. The referendum sought to reduce the immigrant population by ten per cent. Since then, there have been a number of similar initiatives culminating, on 9 February 2014, in a proposal seeking to limit the enforcement of the Schengen agreement, effectively calling into question the right of EU citizens to circulate freely in Switzerland. Then as now, such actions point to the fact that the threat from outsiders is felt very strongly among EU citizens.
Le développement de la vie associative des personnes mobiles reflète les changements sociaux et leurs conséquences sur le politique et l'économique. Notre analyse aboutit à l'idée que cette dynamique produit des ressources sociétales qui doivent être prises en compte dans la politique d'inclusion des migrants dans les sociétés d'accueil, ce par des partenariats de projet et par le dialogue constant. Dans le but d'éviter un repli communautaire, la politique d'inclusion sociale, économique et politique doit tenter de garder ces communautés ouvertes, aussi bien par des offres de participa- tion que par des reconnaissances concrètes et symboliques de leurs contributions à la construction de la société. Zusammenfassung In der Entwicklung des Vereinslebens mobiler Personen widerspiegeln sich die gesell- schaftlichen Veränderungen und deren Auswirkungen auf die politische und die wirtschaftliche Sphäre. Unsere Analyse läuft auf die Idee hinaus, dass diese Dynamik gesellschaftliche Ressourcen hervorbringt, die in der Politik zur Inklusion der Mig- rantinnen und Migranten in die Gesellschaften des Aufnahmelandes berücksichtigt werden müssen. Dies erfordert Projektpartnerschaften und einen ständigen Dialog. Um einen Rückzug in die Herkunftsgemeinschaft zu verhindern, muss die Politik zur sozialen, wirtschaftlichen und politischen Inklusion versuchen, diese Gemeinschaften offen zu halten, sowohl durch Partizipationsangebote als auch durch die konkrete und symbolische Anerkennung der Beiträge, die sie zur Gestaltung der Gesellschaft leisten.
Les migrations ont longtemps été classées, dans la re-cherche et dans le discours social et politique, dans unelogique de suites générationnelles. Ce regard avaittout à fait son sens. Quitter son lieu d'origine signifiaitsouvent une décision définitive – même si les migrantsmaintenaient le rêve du retour, pour mieux supporterleur destin probable de sédentarisation et, avec letemps, d'acculturation. Nos réalités contemporaines dela mobilité, du transnationalisme et de l'individualisa-tion nous demandent une révision sérieuse de ce re-gard sur les années de la migration industrielle,marquée par le biais sédentaire et de l'acculturation.
The academic field known in the English-speaking world as 'industrial relations' (IR) has little institutional presence in the universities of continental Europe and those other parts of the world where anglosaxon modes of analysis are not dominant. Rather than focussing on wider questions of social relations, it has historically concentrated on worker and employer organization and collective behaviour, workplace conflict over work-related matters, and (in particular) the regulation of the formal employment relationship, whether via the law or collective bargaining. Thus, for example, during the 1980s, IR research in the UK was dominated by analyses of the effect of the Thatcher administration's labour law reforms on collective bargaining and industrial action and on the responses of unions to 'attacks' on their established institutional position and prerogatives. One of the most important theoretical developments in this Anglophone research tradition was the publication in 1966 of a paper written for a UK government commission of inquiry into workplace relations. The author, Alan Fox, used this paper to introduce what he called the 'frames of reference' approach to IR. His book Beyond Contract, in which he added a third frame of reference to the two he had previously identified, followed in 1974. Since then, IR as an academic discipline has seen few if any truly significant theoretical developments. This paper argues that the essence of Fox's theory – the idea that subjective conceptual structures condition attitudes and behaviour in economic and organizational contexts – remains valid, but that there is a need both to broaden and to deepen Fox's work. First of all there is a need to add to the categorisation of 'ways of seeing' economic and organizational phenomena. Second, there is a need to better understand how social learning processes lead to the adoption or rejection of different frames of reference. These learning processes include both analyses of the functional efficacy of conceptual models and the evaluation of the outcomes of social action against normative standards. The principal aim of this paper is to address the first of these needs, although it will also make some proposals with respect to the second. The theoretical resources required for these tasks are drawn from the work of Jürgen Habermas.
Die soziologische Perspektive auf Innovation zeichnet sich dadurch aus, dass nicht Techniken oder Maschinen, sondern die Rezeptionsfähigkeit für Veränderungen in Gesellschaften analysiert werden. Es ist zwar durchaus möglich, dass eine neue Technologie an einem Schreibtisch oder in einem Labor erfunden wird, doch wird diese Technologie immer nur dann zur Innovation, wenn diese auch in der Gesellschaft erwünscht, gebraucht oder umgewandelt wird. So zeigt uns Max Weber, dass eine ganz ähnliche Ausgangslage hinsichtlich des technischen Wissens, des Grads der Urbanisierung sowie einer rationalen politischen Organisation sowohl in China wie auch in Europa doch nicht die gleichen Resultate erzeugt, indem in Europa, nicht aber in China der Kapitalismus daraus entsteht. Weber erklärt diesen Unterschied mit dem religiösen Kontext bzw. mit den unterschiedlichen Wertemustern, die in Europa durch den Calvinismus oder den Protestantismus und in China durch den Konfuzianismus geprägt sind. Die religiösen Wertsysteme werden somit zur entscheidenden Differenz, die das «innovative Milieu» beeinflussen. Sowohl der Calvinismus als auch der Protestantismus fördern demnach die entbehrende Haltung und dadurch die den Kapitalismus begünstigende Logik der Investition des Gewinns. Der Konfuzianismus dagegen fördert die Investition in Prestige und soziale Positionen und ist deshalb ein Hindernis für die Entwicklung des modernen Kapitalismus (Weber [1915 –1920] 1989).
Cet article se propose d'étudier la manière selon laquelle les sans- papiers, que l'on peut considérer comme une « population vulnérable » dans l'espace public, mettent en place des stratégies afin de réagir à l'invisibilité qui leur est assignée. A cette fin, nous porterons notre attention sur la mobilisation de prime abord « impossible » des migrants résidant sans permis de séjour valable à Genève. A travers l'analyse du Collectif des Travailleurs et Travailleuses Sans Statut Légal, nous verrons comment cette « population de l'ombre », qui vit dans l'obscurité et l'insécurité, a progressivement acquis une visibilité sociale et politique. Nous nous attacherons ainsi à mettre en lumière le parcours selon lequel la question des sans-papiers s'est transformée en cause et s'est imposée sur la scène publique. Ce parcours nous permettra ainsi, d'une part, d'analyser la voie par laquelle une population originellement invisible et faiblement représentée s'organise pour s'insérer dans la dynamique urbaine. De l'autre, cette organisation apparaissant comme pauvre en ressources et de nature illégale, nous nous intéresserons également aux organismes de soutien qui se révèleront être une source de légitimité essentielle à la portée des revendications.