Une approche morale de la précarité. Les enquêtes des services sociaux dans l'entre-deux-guerres
In: Les Etudes sociales, Band 169, Heft 1, S. 21-44
Abstract
Alors que le service social naît dans l'entre-deux-guerres en se pensant comme un outil nouveau de résolution de la « question sociale », comment les services sociaux de l'époque appréhendent-ils la précarité économique des familles populaires sous leur charge ? Pour répondre à cette question, l'article propose de se tourner vers l'outil privilégié de ces organismes : l'enquête, menée auprès de toute famille éligible à une aide sociale. La construction même de l'enquête, à travers ses différentes étapes (visite à la famille, visite de voisinage), comme dans sa mise en forme écrite (notamment par la reconstitution des budgets ouvriers) est en effet pensée par les assistantes sociales sous un angle moral, celui consistant à débusquer les « mauvais pauvres ». Bien que les enquêtes mettent au jour le profil de familles populaires touchées par une précarité économique structurelle, les services sociaux adoptent une approche morale tendant à rendre les personnes enquêtées responsables de leur situation, accusant leur mauvaise gestion budgétaire et leurs consommations coupables. Les enquêtes sont ainsi utilisées par les services sociaux dans une visée de moralisation des pratiques populaires et non en faveur d'un projet de protection sociale.
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