Des contradictions du théâtre critique new-yorkais
In: Actes de la recherche en sciences sociales, Volume 186-187, Issue 1, p. 80-93
Résumé Ce texte présente une réflexion sur les formes d'intrication entre théâtre et politique, en se centrant sur un panel de pièces off-off Broadway et d'actions théâtrales des années 2000 à New York –ayant pour point commun de proposer un « commentaire social » plus ou moins explicite de la politique menée par George W. Bush, notamment en Irak. Ces répertoires s'inscrivent dans un entre-deux imbriquant codes esthétiques et politiques, obéissant à des logiques partiellement différentes, partiellement similaires, à la fois autoréférentielles et parfois transgressées, débordées par des enjeux tiers. Ce texte porte le regard sur ce que les contradictions de ces pratiques interstitielles doivent à ces absorptions réciproques et partielles entre théâtre et politique. Le théâtre politique est en effet confronté à un double risque : celui d'une délégitimation artistique lorsque la dimension politique est prédominante ; et celui d'une dépolitisation des œuvres lorsqu'elles s'institutionnalisent. Nous examinons d'abord comment théâtre et politique se croisent à la fois dans l'histoire du théâtre politique aux États-Unis depuis la seconde guerre mondiale, et dans les histoires des professionnels du théâtre rencontrés, à travers leurs socialisations. Nous nous demandons ensuite dans quelle mesure le théâtre militant permet une sensibilisation de publics hétérogènes à des questions politiques contemporaines mais court le risque d'une dépréciation esthétique. Enfin, et a contrario , le théâtre politique, en s'inscrivant dans la tradition théâtrale, est pris dans une contradiction entre, apparaître comme un sous-genre spécifique, et satisfaire aux nécessités économiques et au projet politique d'élargissement de son public, en ne prêchant pas uniquement des convertis.